« Women Talking » : une passionnante histoire d’affranchissement

Avec « Women Talking », l’actrice et réalisatrice Sarah Polley (« Take This Waltz », « Stories We Tell ») signe un passionnant traité d’émancipation féministe qui dépeint une aventure de la parole, celle d’une réunion de femmes violées dans une communauté religieuse, élaborant des stratégies pour ne pas se soustraire aux hommes.


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Dans Women Talking, on peut voir une possible projection du célèbre « On se lève et on se casse » de Virginie Despentes. C’est l’idée d’un collectif féminin (dont les rôles sont incarnés par Rooney Mara, Claire Foy, Jessie Buckley…) qui, soudain, décide de se détourner de la violence masculine, et d’échanger sur les moyens les plus à mêmes de démonter celle-ci. Sarah Polley situe son récit en 2010, dans une communauté religieuse à l’écart de notre modernité technologique, de notre société en réseaux, en s’inspirant de faits réels, les viols subis entre 2005 et 2009 par 130 femmes d’un groupe religieux mennonite fondamentaliste en Bolivie.

La cinéaste accentue l’inadéquation à notre monde de cette association de femmes à l’allure et l’attitude hors du temps et non situable, comme pour mieux faire apparaître que le séparatisme féministe n’est pas un symptôme occidental d’époque, mais bien parfois une nécessité, un moyen d’action en tout temps et en tout lieu. Elle filme dans une grange sombre et biscornue, possible symbole du caractère clandestin, assigné à l’ombre, et sans cesse vacillant des débats menés par les protagonistes : faut-il partir ou rester ?

Composer avec les quelques hommes restés inoffensifs ou tous les rejeter comme groupe social ? Que faire des enfants garçons – faut-il les abandonner aussi même s’ils n’ont rien faits ? Si la mise en scène de cette confrontation de points de vue a parfois quelque chose de théâtral, c’est pour mieux exposer ce lent travail qui mène à l’émancipation, celui permettant de mettre au jour et de comprendre les rouages étouffants de la fabrique de la masculinité comme de la domination patriarcale.

: de Sarah Polley (Universal Pictures France, sortie le 8 mars)

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