- News
- Article
- 3 min
« Sept hivers à Téhéran » de Steffi Niederzoll : réveiller la parole
- Marilou Duponchel
- 2023-02-16
[Critique] Pour son premier long métrage, Steffi Niederzoll réalise un important film d’enquête, intime et politique sur l’affaire Reyhaneh Jabbari, cette jeune iranienne pendue en 2014 pour le meurtre d’un homme qui avait tenté de la violer.
Que fait-on des films survivants, ceux qui arrivent clandestinement sous nos yeux ? Comment les recueillir, les regarder autrement que comme les témoignages édifiants de faits de société glaçants ? Sept hivers à Téhéran, le premier long métrage de l’actrice allemande Steffi Niederzoll (aperçue chez Angela Schanelec), pose inévitablement cette épineuse question : que peut le cinéma face au réel ? Le film est en partie constitué d’images et de sons enregistrés en Iran sans autorisation, fait passible d’au moins cinq ans de prison.
Des documents qui proviennent pour beaucoup de la famille de Reyhaneh Jabbari, cette jeune femme iranienne emprisonnée à 19 ans et exécutée à 26 dont l’histoire avait connu à l’époque un important retentissement. Sa faute ? Avoir riposté avec un couteau à l’attaque d’un homme qui, après lui avoir tendu un piège, tentait de la violer. Si l’existence même du film dépend pour beaucoup de son statut de témoin, de cette importante mission qu’il se donne (comme celle dont s’était investie la mère de la victime au moment des évènements) de mener l’enquête pour faire connaître l’affaire, d’agiter sa vérité aux yeux du monde entier, Sept hivers à Téhéran parvient aussi à s’extirper de son devoir cicatriciel, de cette exemplarité (la jeune femme est devenue l’emblème de la sauvagerie du régime iranien) qui vise à afficher l’évidence de l’horreur.
Fous d’Iran : le renouveau du cinéma iranien
Lire le décryptageSi le film n’échappe pas totalement à un certain formatage télévisuel, il parvient, par un sens aigu du portrait, à embrasser collectivement les paroles des membres impactés par cette histoire et que la cinéaste interroge un à un. Sa pertinence de regard et d’écoute, tient aussi à cette façon qu’il a de nous rendre si proche Reyhaneh Jabbari, de la faire exister en lui redonnant voix notamment par l’omniprésence, en off, de ses mots à elle, ceux qui disent son martyre, l’injustice de sa condition, sa vie en prison mais aussi les rencontres avec d’autres femmes et la puissance sororale de ces liens. Surtout, le film n’est jamais plus percutant que quand il fait pleinement confiance à la puissance d’évocation de ces images issues d’un caméscope de famille qui ne racontent rien d’autre que la banalité des moments de vie, cette harmonie anti-spectaculaire brutalement rompue et volée.
Sept Hivers à Téhéran de Steffi Niederzoll (Nour Films, 1h37), sortie le 29 mars
Image (c) Nour Films