Critique : Portrait de la jeune fille en feu, fresque brûlante de Céline Sciamma

Avec son quatrième long métrage, Portrait de la jeune fille en feu, Céline Sciamma se réinvente en peintre de cinéma et compose une époustouflante toile filmée sur la puissance du regard et du désir. Au XVIIIe siècle, une peintre, Marianne (Noémie Merlant), débarque sur une île bretonne pour y faire le portrait d’une jeune femme,


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Avec son quatrième long métrage, Portrait de la jeune fille en feu, Céline Sciamma se réinvente en peintre de cinéma et compose une époustouflante toile filmée sur la puissance du regard et du désir.

Au
XVIIIe siècle, une peintre, Marianne (Noémie Merlant), débarque sur une île bretonne
pour y faire le portrait d’une jeune femme, Héloïse (Adèle Haenel), qui vient
de sortir du couvent. Commandée par la mère de celle-ci (Valeria Golino), la
toile doit être envoyée à un riche Milanais à qui Héloïse est promise. Dans la
sombre demeure, Marianne apprend par la servante (Luàna Bajrami) qu’Héloïse a
toujours refusé de poser, repoussant ainsi l’échéance de ce mariage forcé.
Marianne doit donc observer discrètement Héloïse pour garder de ses traits un
souvenir vif puis les recomposer secrètement sur la toile…

Céline
Sciamma pose d’emblée la dimension féministe de son film en brossant le
portrait d’une femme qui refuse de donner son image car elle sait que ça la
piégerait dans l’étau du patriarcat. La cinéaste balaie l’idée même de male
gaze
par le choix d’un casting quasi exclusivement féminin : ici, le regard
ne se joue qu’entre femmes. Si, pour travailler, Marianne (sidérante Noémie
Merlant) doit scruter chaque courbe du beau visage de son modèle, le modèle
lui-même se met à lui renvoyer son regard, d’abord par curiosité, elle qui vit
dans l’austérité et la colère contenue, puis par désir.

Le jeu prend une dimension vertigineuse quand on se dit que la peintre, c’est aussi Céline Sciamma, qui avait de la même manière révélé le visage d’Adèle Haenel dans son premier film, Naissance des pieuvres (2007). Alors qu’elle ne l’avait plus jamais filmée dans un long métrage (et qu’elles ont eu entre temps une relation amoureuse), elle la sublime ici, comme pour célébrer leurs retrouvailles. Après une première partie tout en retenue, pleine de spleen, le film s’embrase soudain au détour d’une scène envoûtante : portée par un puissant chœur féminin, Marianne et Héloïse plantent leur regard l’une dans l’autre autour d’un feu de bois, jusqu’à s’hypnotiser. Les corps fusionnent symboliquement et se libèrent par un feu ardent. Ce feu qui fixe le souvenir d’une personne sur la toile de l’âme et donne la force de diriger son regard là où on le désire.

Image : Pyramide

Portrait de la jeune fille en feu
Pyramide (2h)
Sortie le 18 septembre

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