En 2020, la crise sanitaire est à son comble quand les équipes de Sébastien Lifshitz contactent Sylvie Hofmann, alors cadre infirmière au service oncologie à l’hôpital nord de Marseille. Tout à la fois invisible et très proche, Lifshitz la suivra deux années durant ; deux années éprouvantes jusqu’à une retraite tant espérée. Car Sylvie est rattrapée par quarante années de dévotion, à sa famille comme à ce « métier du soin » qu’elle a hérité de sa propre mère ; métier qu’elle aime et qui la mine lentement mais sûrement. Comment raconter au plus juste un tel phénomène de société ?
À la manière de son précédent film Petite fille (diffusé sur Arte en décembre 2020), sur la question du déterminisme genré, Lifshitz fait du portrait un puissant révélateur social. Filmer un corps habité par l’usure du travail et les aléas de la vieillesse, c’est rendre compte du système qui l’épuise. C’est nous impliquer aussi émotionnellement, sans filtre théorique. Ni barrière de la fiction, qui s’avère parfois fantasmée ou misérabiliste ; le cinéaste filme la vie en train de se faire.
A voir : « Petite fille » de Sébastien Lifshitz
C’est d’ailleurs ce qui impressionne : cette capacité à saisir l’instant, à en extraire un récit dont les meilleurs scénaristes n’auraient pas même rêvé. N’ayons pas peur des mots : on touche ici à la magie pure, à un rêve de cinéma au sens littéral. En l’occurrence via une méthode qui exige le temps long, raconter une vie documentaire avec autant d’intensité, si ce n’est plus encore que la fiction – au point d’en ringardiser la mécanique trop bien huilée.
Madame Hofmann de Sébastien Lifshitz, Ad Vitam (1 h 44) sortie le 10 avril