« Leni Riefenstahl, la lumière et les ombres » : un documentaire trouble et passionnant

[CRITIQUE] Dans le documentaire « Leni Riefenstahl, la lumière et les ombres », le réalisateur allemand Andres Veiel interroge l’exercice du récit autobiographique à travers le portrait en clair-obscur de la « cinéaste d’Hitler », entre vérités et mensonges.


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Son livre d’images irrigue le cinéma hollywoodien, de Busby Berkeley à Francis Ford Coppola en passant par George Lucas et John McTiernan. Les plus grands festivals lui ont déroulé le tapis rouge. Les photos de ses films illustrent les manuels d’histoire : la victoire de Jesse Owens aux J.O. d’été de Berlin en 1936, les vociférations d’Adolf Hitler au congrès de Nuremberg. Leni Riefenstahl fut l’œil dans la caméra du IIIe Reich. Une étiquette encombrante qui lui colla aux talons jusqu’à son dernier souffle, en 2003.

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Andres Veiel sillonne une dangereuse ligne de crête dans Leni Riefenstahl, la lumière et les ombres, fruit d’une enquête de longue haleine étayée par les archives personnelles – et parfois lacunaires – de la cinéaste star du national-socialisme. D’un côté, l’histoire officielle. Celle racontée par Riefenstahl dans ses mémoires en 1987. De l’autre, le récit construit contre : la justice, la presse, l’Histoire. Juché entre les deux, Veiel juxtapose films, photos, correspondances personnelles, enregistrements téléphoniques et extraits d’émission de télévision moins pour figer l’insaisissable vérité que pour comprendre sa mécanique tortueuse.

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La multiplicité des sources convoquées brosse le portrait d’une cinéaste dans toutes ses contradictions, mais aussi celle d’une nation fracturée, l’Allemagne, jamais totalement réconciliée avec son histoire. 

Tantôt manipulatrice, tantôt pugnace, Leni Riefensthal, gueule d’ange au service du diable, trouve une place mouvante dans cet impossible récit narré au passé. « La mémoire est le seul paradis d’où personne ne peut nous chasser », lit-on dans l’un de ses albums photos. Des mots attribués au romancier allemand Andres Veiel, inexpugnables remparts derrière la réalisatrice, autarcique, qui a bâti méticuleusement son dernier grand œuvre à l’ombre des regards.

Leni Riefenstahl, la lumière et les ombres d’Andres Veiel, ARP Sélection, 1h55, sortie le 27 novembre