Ce qu’il y a de très beau dans Le Bruit de l’eau, le gris du parking – le vert, c’est que dans le morcellement abstrait qui fait sa forme, Théo Sauvé arrive à faire jaillir l’intime le plus profond. Le lieu de passage, ce bois où des hommes viennent draguer, n’est pourtant capté qu’à travers de minuscules détails qui attirent l’attention du cinéaste.
Cela peut être une couleur, un geste furtif, le son sourd d’une voix : de partie en partie se dessine peu à peu un tout. Mais ce territoire n’est jamais délimité que par ses interstices, comme si Théo Sauvé nous autorisait à le fantasmer, à trouver notre propre moyen de l’étendre. Parfois il s’arrête sur une figure glissante : au milieu du film, sa caméra flâneuse s’ancre soudain.
Il capte alors la confession déchirante d’un homme qui s’est dit gay sur le tard : les larmes aux yeux, il relate qu’à la cinquantaine il est tombé à la télévision sur une chanson d’, dont la fierté queer l’a inspiré et lui a permis de se déclarer aux autres. La séquence dit la force des représentations, tout comme celle du lien que peut parfois créer le cinéma. Plus tard, le cinéaste le filme encore et lui dit juste qu’il est beau – on sent alors que ce regard posé sur lui le bouleverse et le révèle à lui-même.
Images : © Ardèche Images Association / Université Grenoble Alpes