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« Langue étrangère » de Claire Burger : mots communs

  • Marilou Duponchel
  • 2024-09-05

[CRITIQUE] Pour son deuxième long métrage en solo, Claire Burger réalise un récit d’apprentissage sensible autour de deux ados (l’une française, l’autre allemande), en pleine construction, et double le portrait de cette jeunesse engagée et anxieuse d’une réflexion passionnante sur le langage et l’inconnu.

« Le langage sert à construire le rapport avec l’autre […] à nous construire dans le monde. » La phrase, tirée d’un entretien avec le penseur Roland Barthes, sied à merveille au nouveau film de Claire Burger (C’est ça l’amour, 2019).

Fanny, 17 ans, à qui la jeune comédienne Lilith Grasmug donne toute sa gravité triste et boudeuse, est une jeune fille mal dans sa peau, harcelée au collège. Quand elle se rend chez Léna (Josefa Heinsius, douce intensité), jeune Allemande affirmée, militante de gauche au look de jeune queer en herbe, les rapports sont d’abord froids. Il faut attendre un souffle chaud, destiné à raviver un corps grelottant, pour que la connexion s’active…

Avec son titre malicieusement scolaire, Langue étrangère capture l’apprivoisement de ces héroïnes qui apprennent à se comprendre pour se connaître. Par elles, c’est aussi à une métaphore de l’Europe – Fanny vit à Strasbourg, et sa mère, jouée par Chiara Mastroianni, est traductrice pour le Parlement européen – que se livre la cinéaste née dans une ville frontalière, donnant un caractère organique aux mouvements de la grande histoire, aux luttes d’hier, à celles d’aujourd’hui.

Claire Burger a cette belle intuition de croire qu’on ne célèbre jamais mieux la force d’une union qu’en filmant ses fractures. Le film, vif et alerte, ne cesse de réfléchir à la question de l’héritage et de sa rupture, aux conséquences de ce qui se perd dans la traduction d’un mot et de ce qui s’y gagne, à la vérité et au mensonge comme affirmation d’une identité – la mythomanie de Fanny est moins regardée comme une pathologie que comme une bouée de sauvetage.

Le langage dans Langue étrangère n’est pas seulement celui des mots, mais aussi celui des gestes, des regards. À plusieurs reprises, les deux jeunes filles gobent des champis magiques comme, avant elles, Céline et Julie (qui vont en bateau dans le film de 1974 de Jacques Rivette), et atteignent une communion érotique qui passe, elle aussi, par le bout de la langue.

Langue étrangère de Claire Burger, Ad Vitam (1 h 45), sortie le 11 septembre

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