Ce documentaire lumineux suit les organisateurs de la première Marche des fiertés en banlieue, mettant au jour un fascinant processus d’affirmation de la parole.
Quatre étudiants de la faculté de Saint-Denis décident d’organiser une marche pour rendre publique la lutte LGBTQ+ et s’opposer à toute forme de discrimination. En coulisses ou sur le terrain, alors que les jeunes militants font face à des contraintes prévisibles – budget, recherche de soutiens locaux, réticences des habitants et craintes pour la sécurité de l’événement –, la délicate confrontation des opinions laisse place à la possibilité d’un véritable dialogue social, le film étant ponctué d’énormément d’échanges avec les riverains.
Les quatre jeunes gens découvrent aussi, à mesure que leur exposition médiatique grossit, l’importance de la façon dont ils construisent leurs prises de parole. De présentations dans des amphis universitaires à des passages à la radio ou sur BFMTV, le groupe se retrouve vite confronté aux écueils inhérents au discours médiatique – questions formatées, amalgames – et à la nécessité de trouver les bons mots pour fédérer au lieu de diviser.
Dans ce véritable laboratoire du langage se détache Youssef, leadeur naturel qui devient le porte-parole de la bande et le personnage central du film. Attachant, conscient de sa drôlerie et débordant d’enthousiasme, le jeune homme apporte de la légèreté au projet par sa façon de manier le jargon universitaire pour embrouiller ses interlocuteurs. Excellent orateur, il détourne habilement les clichés sur une banlieue forcément réfractaire à la lutte LGBTQ+.
Les deux réalisateurs, dont c’est le premier film, suivent la même voie, s’attachant à montrer des habitants de Saint-Denis ouverts et bienveillants, loin des stéréotypes. En filmant les différentes étapes du projet jusqu’à sa concrétisation réussie (la marche, qui a eu lieu le 9 juin 2019, a rassemblé environ un millier de personnes), ils prônent aussi, habilement, l’inclusivité et le débat nuancé plutôt que les discours catégoriques et bornés.
La Première Marche de Hakim Atoui et Baptiste Etchegaray, Outplay (1 h 04),
sortie le 14 octobre
Copyright images: OUTPLAY FILMS
Émile Chevalier
3 DOCUS SUR LE MILITANTISME
Free Angela de Shola Lynch (2013)
Copyright: Jour2fête
Août 1970, la tentative de libération d’un membre des Black Panthers se conclut par la mort d’un juge et de trois des preneurs d’otages. Soupçonnée de leur avoir fourni des armes, une enseignante communiste et noire risque la peine de mort… Le film revient sur ces moments qui ont forgé l’engagement d’Angela Davis, icône militante du xxe siècle. • É. R.
The Times of Harvey Milk de Rob Epstein (1984)
Copyright: Film The Times of Harvey Milk
Oscar du meilleur documentaire en 1984, le premier film de Rob Epstein (Lovelace) retrace le parcours exemplaire de Harvey Milk, conseiller municipal de San Francisco et militant pour les droits des homosexuels américains assassiné en 1978, en même temps qu’il témoigne de l’effervescence de la Californie des années 1970. • É. C.
La Cravate de Mathias Théry et Étienne Chaillou (2020)
Copyright: Nour films
Qu’est-ce qui motive un jeune homme de 20 ans à adhérer à un parti politique d’extrême droite ? Pendant la campagne électorale de 2017, ce documentaire suit les pas d’un jeune militant amiénois du Front national dont les secrets deviennent progressivement le cœur d’une passionnante fresque politico-intimiste. • D. L.