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« Grand Paris » de Martin Jauvat : road-movie banlieusard

  • Joséphine Leroy
  • 2022-05-22

[Critique] Buddy movie flirtant avec le conte, « Grand Paris » suit deux potes qui traînent leurs galères et leurs rêves dans des communes de banlieues. Espiègle, drôle et touchant, ce premier long conduit par le jeune cinéaste Martin Jauvat dégage une grande fraîcheur. 

Avec leurs survêts rose et bleu (à l'effigie du PSG ou de Manchester), sous la grisaille francilienne, on ne peut pas louper Renard (Martin Jauvat, également derrière la caméra, à seulement 26 ans) et Leslie (Mahamadou Sangaré, repéré dans Le Monde est à toi de Romain Gavras en 2018). Alors qu’ils se croisent à un arrêt de bus, ce dernier propose au premier de l’aider à exécuter un deal à Saint-Rémy-lès-Chevreuse, soit à l’autre bout de l’Île-de-France. Le plan périclite. Les deux comparses décident de partir à l’aventure et trouvent dans une forêt un artefact (de l’époque de l’Egypte antique ou, encore mieux, d’origine extraterrestre, s’imaginent-ils) qui — ils en sont persuadés — devrait leur rapporter gros… 

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C’est le point de départ de ce road-movie banlieusard qui, parsemé de références aux films d’aventures et de science-fiction américains (la saga Indiana Jones en tête), va chercher le merveilleux au milieu des travaux tentaculaires du Grand Paris (« le métro du futur, gros »).

Dans ce tour de l’Île-de-France, ces deux potes aux personnalités divergentes (blond peroxydé, Renard a une tchatche hallucinante ; plus discret, Leslie est taciturne mais ses regards veulent tout dire) vont se frotter à une série de personnages bédéesques : un grand dadais au look hawaïen qui malgré son air teubé se révèle être diplômé de Sciences-Po ; un livreur du fast-food  « Chicken 3000 » (génial William Lebghil),  amateur de joints qui se balade fièrement à bord de sa caisse tunée ; un conducteur RATP weirdo et complotiste (tout aussi génial Sébastien Chassagne)… 

Ces étapes ouvrent en fait la porte à un voyage plus intérieur, intimiste : au fil d’un périple de plus en plus fantastique, bardé de punchlines qui font mouche (« pas de violence, c’est les vacances »), on réalise que c’est moins la thune qui obsède les deux amis que leur désir d’évasion, leur envie d’échapper à un quotidien morne, un avenir bouché. Un besoin de réappropriation du récit politique aussi, face à un chantier urbanistique qui exclut les premiers concernés (Martin Jauvat est lui-même originaire de Chelles, en Seine-et-Marne, décor de ses précédents courts Mozeb, Le Sang de la veine, puis Grand Paris Express, qui a inspiré ce premier long).

Face aussi à une règle tacite qui veut qu’entre mecs – de banlieue de surcroît –, on ne parle jamais de ses sentiments (le film, au contraire, en déborde). Dans la lignée des docus L’Île au trésor de Guillaume Brac (2018) et Nous d’Alice Diop (sorti en février dernier), le récit redonne une voix et une incarnation loin des archétypes à ces habitants laissés sur le bas-côté, mais pourtant jamais à court d’idées pour déjouer ce qui est écrit.  

Grand Paris de Martin Jauvat, JHR Films, 1h12, sortie le 29 mars

Images (c) Ecce Films

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