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« Desert of Namibia » de Yôko Yamanaka : génération désenchantée

  • Léa André-Sarreau
  • 2024-11-12

[CRITIQUE] Dans une mise en scène volontairement dédaléenne, la Japonaise Yôko Yamanaka (« Amiko ») fait le portrait dépressif d’une héroïne contrariée par les injonctions de la vie.

On rencontre Kana (Yūmi Kawai) dans les artères fourmillantes de Tokyo, où elle traîne sa peau sans destination. La moue boudeuse, un bob vissé sur la tête. Est-ce la caméra qui zoome abruptement sur elle, les plans qui se succèdent comme des secousses ? Quelque chose nous dit que cette Japonaise de 21 ans a du mal à appartenir au monde.

Sentiment prolongé par la séquence suivante : alors qu’une amie lui confie être bouleversée par le suicide d’une ancienne camarade, Kana se laisse absorber par la conversation libidineuse d’une bande de garçons à propos de serveuses sans culotte…

Après plus de deux heures en compagnie de cette anti-héroïne flegmatique, cruelle – elle change de copains comme de chemise, écume les bars pour fuir la perspective du jour, elle qui travaille comme esthéticienne dans un centre de laser -, et soupe au lait, le doute persiste. D’où vient cette dissonance, cette imperméabilité aux douleurs comme aux joies ?

Des médecins douteux diagnostiquent à Kana un trouble bipolaire, ou borderline, qui sait ? Ou peut-être est-ce le syndrome d’une génération Z en pleine fatigue existentielle, sur qui tout glisse.

Il y a bien une troisième hypothèse, la plus politique. Kana a démissionné d’une société trop étriquée pour elle, qui lui rappelle sans cesse qu’elle n’existe que par sa beauté – les diktats patriarcaux ponctuent le film -, où l’amour s’est dilué dans des conventions, et profite toujours aux hommes.

Yôko Yamanaka filme cette colère rentrée dans un étrange exercice d’équilibrisme, oscillant entre une forme de comique désespéré – le corps de son personnage semble toujours lutter avant de s’écrouler – et une léthargie – de longs plans fixes, disséquant froidement des situations de rupture, de dispute. Dans les aspérités de ce personnage que l’on peine à aimer se formule le programme du film : pointer du doigt toutes les lâchetés du quotidien auxquelles on consent.
Desert of Namibia de Yôko Yamanaka, Eurozoom (2h17), sortie le 13 novembre

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