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« Comme le feu » de Philippe Lesage : les rites de l'âge

  • Laura Pertuy
  • 2024-07-15

[CRITIQUE] Dans un déluge virtuose de dialogues, puis au creux de nappes de silence, la quatrième fiction du Québécois Philippe Lesage observe les tumultes de l’adolescence comme les grandes errances de l’âge adulte. Un film comme une lente mue, emmené par une cohorte d’interprètes en majesté.

En vacances dans le Grand Nord canadien, Jeff, Aliocha et Max se cherchent dans les vents contraires de l’adolescence quand, face à eux, deux adultes se déchirent avec une puérilité risible. Ces échanges sous haute tension contrastent avec l’immobilité majestueuse de l’endroit où ils ont posé bagage, jusqu’à ce que la nature ne finisse, elle aussi, par être gagnée par l’électricité…

En 2019, Philippe Lesage livrait Genèse, un triptyque délicat sur l’amorce de l’amour, porté par de jeunes interprètes troublants, dont Noée Abita. À ce regard inspiré sur la jeunesse, le réalisateur québécois adjoint ici une variation sur les vacillements de l’âge adulte. L’entame du film fait la part belle aux faux démarrages – une voiture qui, à répétition, s’arrête puis repart ; un retard conséquent qui cloue les personnages au sol avant un vol –, comme pour annoncer l’arythmie qui s’est installée entre Blake (Arieh Worthalter) et Albert (Paul Ahmarani, virtuose), un réalisateur et un scénariste qui n’ont plus collaboré depuis plusieurs années après une période de succès en duo.

Ces temporalités discordantes, qui disent aussi une fracture entre deux métiers pourtant liés l’un à l’autre, culminent dans les scènes de repas, joutes dont le cinéma québécois a décidément le secret – on pense, récemment, à Simple comme Sylvain de Monia Chokri et à Falcon Lake de Charlotte Le Bon. Dans ces conversations, empêchées par les éclats d’ego, de remords, d’amertume et une affection meurtrie, se racontent des masculinités encore empêtrées dans leurs oripeaux, en voie de mutation, dans une recherche de ce qu’elles pourraient bien devenir.

 Les deux amis peuvent-ils encore trouver un dialogue commun, s’affranchir de tropes éculés ? Comme le feu interroge ses personnages dans ce qu’ils sont à eux-mêmes – profitant allègrement de la dilatation du temps amenée par les vacances – et regarde la possibilité, à travers ces derniers, de faire exister des récits neufs, où ils interagissent de manière insolite. Sans cesse relancé par des idées de mise en scène étonnantes, où se love souvent le thriller, le film fait exister tous ses personnages, n’en laissant jamais aucun sur le bas-côté.

Comme le feu de Philippe Lesage, Tandem/Shellac (2 h 41), sortie le 31 juillet

Image : © Shellac

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