Nouveaux langages : conversation avec 4 jeunes artistes autour de l’avenir du cinéma

On a proposé à quatre jeunes artistes, sous l’influence du web 2.0 et qui bouleversent le cinéma dans leur rapport à la technologie et à la narration, de chatter à l’ancienne sur une messagerie instantanée. Au programme : Internet, algorithmes, I.A., et statut de cinéaste hier, aujourd’hui, et demain.


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Cet article fait partie du dossier « C’était mieux après », publié dans le °200 de TROISCOULEURS. Retrouvez tous les autres articles ici.

Gala Hernández López

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Dans son film La Mécanique des fluides (multiprimé au FIFIB) à la poésie post-Internet obsédante, l’artiste et chercheuse radiographie le conformisme des applis de rencontres à travers une lettre bouleversante adressée à un masculiniste suicidaire.

Maxence Stamatiadis

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Il est l’auteur du tendre, drôle et inquiétant Au jour d’aujourd’hui, un long sci-fi destroy avec ses grands-­parents, et de Rue Philippe-Ferrières, un moyen métrage fort, dans lequel il use d’avatars pour évoquer une affaire de violences policières.

La pépite indé : « Au jour d’aujourd’hui », un film de SF destroy chez les seniors

Lou Fauroux

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Dans son génial court This Is How the World Ends, elle plonge des Sims dans un futur étrange, et dans le galvanisant WhatRemains. Genesis, elle hacke Google et son projet d’immortalité dément. L’artiste a aussi fondé le label Færies Records avec la DJ Jennifer Cardini.

Louise Fauroux, photographe et cinéaste

Laurens Saint Gaudens

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Elle est l’autrice du sublime court Visions d’acide, tout en visions diaphanes arrachées à l’ombre, dans lequel l’héroïne se débat contre son propre reflet, et de Nos lèvres sont les miennes, un film-essai sur la mise à mort des femmes dans les films d’horreur, profonde méditation sur les images violentes et misogynes.

Quentin Grosset

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Journaliste de TROISCOULEURS, modérateur de l’échange.

Quentin :

Merci de participer à cet échange ! Pour commencer je me demandais : votre envie de cinéma tient-elle au fait d’y amener du nouveau ?

Lou :

Pas forcément consciemment mais je pense qu’en termes de représentation je dois quelque part créer quelque chose dont j’ai manqué.

Maxence :

Non, pour moi je crois pas que c’est là que ça se joue. C’est drôle, je revisionnais tous nos films, et je me disais qu’on parle tous d’une forme de nostalgie à travers la technologie – parce que ce qu’on met en scène dans nos films respectifs, en réalité c’est pas si nouveau. Je veux dire les maps Google, les espaces 3D, les archives web… Moi en tout cas c’est plutôt cette nostalgie qui me guide.

Laurens :

C’est super intéressant d’aborder le cinéma sous cet angle pour ma part, car j’ai toujours construit mon regard sur les films autour de leur singularité, ce qu’ils apportaient de +. C’est quelque chose qui me vient de l’éducation à l’image que j’ai reçue et très souvent ça me frustre de ne pas réussir à voir l’objet-film par le simple prisme de l’émotion transmise.

Gala :

Je crois en partie que mon désir vient de la possibilité d’inventer des images qui n’ont pas été faites auparavant. Mais peut-être que l’expérience du monde, d’une génération (la mienne/la nôtre) conduit inévitablement à générer de nouvelles images parce que le rapport sensible au monde change de plus en plus vite, surtout à cause des nouvelles technologies.

Maxence @Laurens :

C’est drôle que tu dises ça parce que tes films passent justement beaucoup par une émotion immédiate, un truc très sensitif.

Gala :

C’est une nostalgie de nos années d’adolescence, non ? 🤐

Maxence :

Oui, tout à fait, et de notre enfance. Mais par exemple aucun de nous n’a utilisé d’images tirées de Midjourney [1] ou s’est servi de ChatGPT ou whatever I.A. On a tous été très marqués par l’arrivée du web il y a 20 ans et j’ai l’impression que c’est encore beaucoup ce qui traverse les films.

Lou @Maxence :

Je les utilise tous 🤐🤐. Après je trouve qu’on peut utiliser des éléments visuels qui peuvent avoir l’air datés tout en les transformant, tordant avec autre chose – sans trop de nostalgie pour ma part.

Laurens :

Ce qui est considéré comme un langage nouveau repose pour moi sur des lieux communs assez ancrés dans le passé. Là où de nombreuses formes considérées comme appartenant au passé ou à un langage plus « académique » sont à mon sens toujours assez efficaces et actuelles.

Quentin :

Ces dernières années, pour désigner une nouvelle génération de cinéastes, on a beaucoup utilisé le terme « post-Internet ». Or, c’est une dénomination presque déjà désuète. Vous en pensez quoi ?

Laurens :

Totalement d’accord avec ça ! Je trouve la dénomination déjà assez obsolète. Là où pour ma part certaines de mes influences que l’on qualifiera de « numériques »/« contemporaines » etc. viennent en réalité de formes beaucoup plus anciennes que j’ai transformées avec ma sensibilité du 21e siècle. Comme un exercice de traduction et d’adaptation.

Gala :

Je pense que le terme « post-Internet » est un peu mal compris, moi je le défends. Pour moi ça ne veut pas dire qu’on a laissé Internet derrière nous, mais au contraire, c’est un cinéma qui reconnaît l’existence d’Internet, comment il a bouleversé nos vies.

Lou :

C’est l’intégrer comme un outil et l’intégrer à la réalité aussi.

Laurens :

C’est drôle, récemment au dépôt d’une commission, le jury m’a signalé le nombre considérable de dossiers contenant des éléments d’I.A. et l’énorme travail de tri que ça demandait pour juger la singularité.

Lou :

Certains outils évoluent tellement vite que ça rend certaines esthétiques obsolètes sur un temps très court.

Maxence :

Oui et ça ne fait que s’accélérer.

Lou :

Oui. Après je crois fermement à la matière grise, ça reste des outils et pas des fins en soi.

Gala :

Totalement, faut vraiment se méfier de la hype aussi… Et le fait d’utiliser les mêmes outils finit par homogénéiser esthétiquement les œuvres. Moi par exemple je me suis lassée de l’esthétique Midjourney, même si elle n’est devenue populaire que récemment. Je pense qu’elle peut servir de point de départ, mais si l’on n’y prend pas garde, elle peut conduire à un appauvrissement des possibilités plastiques de l’art/cinéma.

Quentin @Lou :

Dans ton film WhatRemains. Genesis, des hackeurs·ses·x s’attaquent à Google qui développe un logiciel d’immortalité réservé aux ultra-riches. À quel point en tant que cinéastes cette idée du hacking vous parle ?

Gala :

Moi ça me parle beaucoup. Dans le sens de détourner les outils de leur fonction première.

Lou :

Perso elle me parle car je tords et je me réapproprie, et le hacking peut permettre l’open source, la redistribution.

Laurens :

Mon rapport même aux films, aux références, à toutes les images qui me nourrissent passe par l’idée de hacking. C’est d’ailleurs ce qui a beaucoup influencé la décision de garder les définitions basses de certains films, pour Nos lèvres sont les miennes. Pour indiquer et inscrire à la source même des images d’où elles proviennent, à quel système d’accessibilité elles appartiennent.

Quentin @Gala @Lou :

On parle parfois de « desktop movies » pour désigner les films qui comme les vôtres se déroulent en ligne, de « rabbit holes » pour qualifier ces narrations mimant la navigation aléatoire sur Internet. Comment se déroule la création de tels films ?

Lou : Je ne sais pas comment Gala se positionne avec ça. Pour ma part, j’ai fait d’autres films qui pourraient rentrer dans cette catégorie, mais WhatRemains, Genesis a pour moi un arc narratif avec un début et une fin et raconte une histoire, avec des digressions. Mes outils pour faire le film appartiennent à des espaces de « computering » mais ça ne veut pas dire qu’on pourrait déambuler aléatoirement dedans.

Gala @Quentin :

Je pense que cette idée de navigation aléatoire va au-delà de la forme de mes films. Je pense que cela a à voir avec une façon que j’ai de penser et de produire des idées qui est déterminée par le fait que j’ai passé d’innombrables heures devant mon écran d’ordinateur au cours des 20 dernières années (!!!). Ce n’est pas que je fasse un effort pour lui donner cette forme, mais plutôt que j’en arrive là à cause de la façon dont Internet a façonné mon activité cognitive (pour le meilleur et pour le pire) : saut d’une idée à l’autre, difficulté à se concentrer sur une chose, multitâche, hyperliens… Nos cerveaux ne sont pas les mêmes que ceux de nos parents et ils produisent des récits et des structures différents.

Lou :

Je suis d’accord ! Il y a aussi une réalité « économique » car certains films je les ai faits avec 20 euros en achetant 1-2 packs de textures sur Free3D [2]. Avec un ordinateur on peut faire et raconter beaucoup de choses avec peu de moyens.

Quentin :

Justement, @Gala, dans La Mécanique des fluides, tu tentes de retrouver en ligne un incel [3] qui a laissé une lettre de suicide. Tu m’avais raconté comment tu avais dû batailler avec les algorithmes pour mener ton enquête. Est-ce que vous diriez que ces algorithmes polluent vos propres imaginaires ?

Lou @Quentin :

Pour revenir à la nostalgie, c’est intéressant que tu parles des algorithmes parce qu’ici je pense qu’on a tous·tes·x grandi dans un web qui n’était pas pourri par les algorithmes préférentiels et le data mining [4], qui se sont installés dans les 10 dernières années. Les recherches étaient moins orientées. C’était plus encyclopédique, quoi, moins assisté.

Gala :

Pour moi les algorithmes peuvent être ton meilleur allié ou ton pire ennemi. Dans le sens où ils peuvent finir par t’enfermer dans des bulles d’itération/mêmeté qui n’ont que peu d’intérêt si tu cherches une richesse des regards sur le monde. Mais lorsque j’ai fait mon enquête je me suis parfois laissé bercer par le mouvement des algorithmes, j’ai suivi le contenu qu’ils me proposaient et ils m’ont emmenée dans des coins merveilleux que je n’aurais jamais atteints consciemment.

Lou :

Oui, c’est vrai !! Parfois on en a besoin pour digger un sujet ou un style de musique ou autre.

Maxence @Gala :

Je comprends ce que tu dis sur le fait d’être bercé par des algorithmes. Sur Insta par exemple, plus je clique plus ça me pousse des trucs encore plus dingues la fois d’après.

Maxence :

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Gala :

What ?

Maxence :

Me demande pas, je sais pas non plus.

Gala : Moi j’ai ça maintenant lol. Je sais pas ce que ça dit sur moi.

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Laurens :

Pour le coup, la question des algorithmes je vais un peu la détourner. Je dirai plutôt comment la transmission et la réception des images occupent mon imaginaire. Là où je me suis récemment rendu compte que chaque image reçue appartenait à sa définition, sa projection, les informations qu’elle contenait autres que le sens initial de l’œuvre. Et c’est un peu la réflexion qui m’a traversée pour Visions d’acide et NLSLM [5]. Qu’est-ce qu’il reste de la narration d’une image, une fois qu’elle a été traversée par tout un tas de modifications volontaires, hasardeuses ou accidentelles ? J’ai plus de mal avec le terme « polluer », qui signifierait que l’image en ressort amoindrie. Je pense au contraire que toutes ces modifications ne font qu’enrichir le parcours et les symboliques d’une image.

Quentin @Laurens :

C’est ce que j’ai ressenti en voyant tes deux films, Visions d’acide et Nos lèvres sont les miennes. J’ai l’impression qu’ils parlent de comment se trouver tout en composant avec les images misogynes, violentes, qui nous entourent. Justement, comment vous avez composé avec l’imaginaire disons masculin cisgenre hétéro autour de nous ?

Laurens @Quentin :

C’est ça mais sous des prismes différents dans chaque film. Pour NLSLM ce qui a inconsciemment dominé la création du film, c’est l’idée d’intégrer la violence et ses images à ma construction. Ce qui traverse les deux films, c’est la manière dont les images et la violence s’inscrivent comme parties intégrantes des corps transfem [6]. Comme j’adore citer cette phrase d’insta : most beautiful women are born under a knife [7].

Lou :

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Gala @Quentin :

Je pense qu’il y a deux voies possibles. L’une consiste à déconstruire cet imaginaire : le disséquer, le commenter, le ridiculiser, ou encore essayer de comprendre quels sont les facteurs qui l’expliquent pour le désactiver. Une autre est de proposer de nouveaux imaginaires, d’imaginer d’autres mondes possibles que nous aimerions dans le futur. Pour l’instant, moi je me suis concentrée sur la première tâche, mais j’aimerais m’atteler à la seconde 🙃.

Lou @Quentin :

Je pense que mes films les tournent pas mal en ridicule, en les exposant de façon à peine caricaturale, et en explorant les personnes et groupes qui tentent de résister à leur pouvoir hégémonique. Oui, c’est tellement politique de créer de nouveaux imaginaires. Je dis toujours que je raconte mes histoires avec les personnages (FLINTA [8], queer, etc.) que j’aime sans en faire un sujet mais juste en les imposant sans en faire l’arc narratif principal.

Maxence : Pour faire le pont entre Insta et la violence, c’est vrai que ça par exemple, ça m’envoie des bouffées de violence ultra vénère. Cette image du monde où on pourrait travailler encore plus et partout et tout le temps.

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Gala :

Moi je vois le cinéma aussi comme un pansement face à toute la violence du monde. Le monde me blesse et le cinéma me répare (parfois).

Gala @Maxence :

WOW. Intense. Ils vendent quoi au juste ? J’ai pas capté.

Maxence :

Une solution de coworking accessible partout jusque dans la tombe, j’imagine.

Quentin @Maxence :

Dans ton film Rue Philippe-Ferrières, tu accompagnes la parole autour des violences policières en usant d’avatars. Chaque proche d’une victime morte après une clé d’étranglement effectuée par un policier témoigne avec un masque numérique. Ce qu’il y a de fort, c’est que ces avatars, plutôt que de nous mettre à distance, incarnent d’autant plus leur récit tragique… Comment cette question de l’incarnation au cinéma vous interroge aujourd’hui ?

Gala @Maxence :

En découvrant le film j’ai été surprise que des avatars avec une telle esthétique (un peu enfantine/cartoonesque) puissent émouvoir autant. J’ai trouvé le film très puissant.

Maxence :

La question de l’avatar, c’est-à-dire d’une représentation qui permette de se montrer et de se cacher, genre pont entre le moi et le non-moi, c’est au cœur de ce que je fais. C’est un langage qui est vraiment naturel et dans lequel je me sens à l’aise, c’est-à-dire juste. Pour RPF [9] particulièrement ça me paraissait la seule distance juste pour moi en tant que réalisateur, pour raconter une histoire qui ne m’appartenait pas, déployer toutes les voix et ne pas tomber dans un sentimentalisme nunuche…

Maxence @Gala :

Merci ! Ça me fait très plaisir ! Les avatars ont été plutôt mal reçus, en vrai. Les gens y ont vu un manque de respect alors que pour moi c’était tout l’inverse.

Gala :

Ah ouais, un manque de respect en quoi ?

Maxence :

Parce que, genre, mettre un bonhomme manga pour donner la parole à quelqu’un, ça serait se foutre de sa gueule. Ce qui est fou parce que ces avatars sont vachement utilisés par les ados sur YouTube, pour mettre en scène leurs histoires indicibles et inavouables. Souvent en lien avec les violences scolaires ou familiales.

Gala :

Là je crois que c’est vraiment un gap générationnel… Only time will tell.

Laurens :

J’avoue que la question des avatars comme espaces de représentation, d’identification, de projection, je me la pose pas du tout. Mais là où les espaces de représentation ne sont pas toujours justement occupés par les corps et les présences réels de nombreux groupes de personnes… Mon désir d’identification et de représentation par l’incarnation se place d’abord là.

Gala :

Pour moi l’incarnation avec Internet prend plusieurs formes. Comme le dit Lou, tout à coup la voix devient très importante par exemple (c’est le cas de mon film), ou les matières textuelles, les signes, des symboles.

Quentin :

Vous avez parfois eu des difficultés de production, ou même de réception du public ? Comment vous faites face aux incompréhensions ?

Lou :

Oui, récemment j’ai une personne dans un jury qui a poussé mon film et qui était avec des 50 + [10] et ils ont juste pas compris… Pas grand-chose d’autre que de tracer sa route. Et comme j’ai commencé à faire des films en faisant du porno, il y avait plus de scènes « explicites » queer, des passages dans des espaces digitaux. Alors au début c’était un peu difficile d’être montrée ailleurs que dans des lieux très alternatifs, ou indé, ou asso, etc.

Maxence :

Parfois j’ai le sentiment que les choses évoluent, que les gens se sont habitués aux formes « nouvelles ». Et là tu tombes sur une commission qui te dit pour la centième fois qu’ils n’ont pas compris si c’est du documentaire ou de la fiction et ouais tu lâches l’affaire et tu next.

Gala :

Je pense que la question que nous devons nous poser est de savoir où nous voulons que nos films soient vus. Je ne sais pas si mon désir ultime, personnellement, est d’occuper des espaces « grand public ». Ce que je pense en revanche, c’est que nous aimerions tous pouvoir vivre de notre travail sans être dans la précarité absolue haha.

Maxence :

Word.

Lou :

Et en même temps je trouve ça injuste que ce soit tt le temps les mêmes gens et les mêmes images qui occupent les espaces publics. Non ? C’est aussi bien de prêcher des non-convaincus·es·x 🤡.

Gala :

Oui, grave !

Laurens :

Pour mes trois premiers films j’ai été assez protégée par des conditions relativement autoproduites dues au peu de budget… Là j’ai reçu des financements régionaux pour un film que je pensais infinançable, qui convoque de la 3D et de l’I.A. Je pense que mon rapport à ces difficultés de financements et de construction des projets se situe + quant à l’outil scénario. Je veux dire par là, ce que j’appelle la dictature de la linéarité d’une histoire narrative. Là où l’aspect « renouvellement » par les images peut souvent être longuement expliqué comme une plus­-value de singularité technique et visuelle, donc un outil pour séduire.

Gala :

C’est précisément à cause de cette « dictature de l’efficacité narrative » que je crois que nous ne pourrons occuper que des espaces périphériques. Mais pourquoi ne pas embrasser ces marges, c’est ce que je voulais dire… Tant qu’elles rendent la vie possible. Ce qui m’inquiète c’est de savoir comment payer le loyer, moi, perso.

Maxence :

Je continue de croire à fond qu’il existe plein de manières de produire et de diffuser les films. J’ai des amis qui autoproduisent grâce au bitcoin [11]. C’est ultra excitant, ils produisent des formes libres, neuves et inventives. Mais, après, les limites du système, c’est comment tu diffuses ça ensuite ?

Quentin :

Est-ce qu’on pourrait réinventer les espaces de diffusion ? Trouver de nouvelles manières de produire des films ?

Laurens :

Il y a notamment l’espace du clip qui s’est toujours placé comme un médium de narration expérimental.

Gala :

L’espace de l’art contemporain est aussi moins formaté par la dictature de la linéarité, non ?

Lou :

Oui, c’est vrai. Mais en termes d’image en mouvement, c’est mieux d’aller chercher l’argent dans le cinéma. L’intermittence, c’est quand même un truc de ouf. Ça existe pas dans l’art contemporain… Dans l’art, avant d’atteindre des hauts niveaux, grosses galeries, les sommes allouées sont minuscules à côté du cinéma. Si tu reçois 1 000 euros, c’est un truc de ouf. Alors qu’avec des subventions de films tu peux avoir 10, 30 K même plus. Après, le hacking, c’est aussi proposer un film random et garder la moula pour faire autre chose, oups 🤡.

Gala :

Hahahahahah 100 %.

Lou :

« Adrien, 45 ans, et Zoé, 30, sont épris, vivent un tourment amoureux… Or Adrien est le professeur de Zoé. Une déambulation dans leur vie amoureuse complexe… » : 100 000 euros 💦💦💦.

Gala :

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[1] Programme d’intelligence artificielle permettant de produire des images à partir de descriptions textuelles.

[2] Site Internet qui propose des modèles de 3D libres à télécharger.

[3] Membre d’une communauté masculiniste en ligne constituée d’hommes cisgenres et hétérosexuels se déclarant « célibataires involontaires », fait qu’ils attribuent au féminisme.

[4] Pratique visant à rechercher des données pour repérer des tendances, et ainsi améliorer les performances, par exemple d’entreprises.

[5] Nos lèvres sont les miennes, un court métrage de Laurens Saint Gaudens de 2023, pas encore diffusé.

[6] Terme désignant des personnes trans à l’apparence féminine.

[7] « La plupart des belles femmes sont nées sous un couteau. »

[8] Femmes, Lesbiennes, Intersexes, Trans, Agenres.

[9] Rue Philippe-Ferrières (2023).

[10] Des personnes de cinquante ans et plus.

[11] Cryptomonnaie