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« Roubaix, une lumière », d’Arnaud Desplechin : un magistral polar social
- Julien Dokhan
- 2019-05-24
Une nouvelle fois en lice pour la Palme d’or, l’auteur d’Un conte de Noël signe un magistral polar social, inspiré de faits réels, et confirme qu’il est un de nos plus grands directeurs d’acteurs.
Arnaud Desplechin est un sculpteur de fictions, qui part des matériaux les plus divers (sa vie, une pièce de théâtre, un essai d’anthropologie ou même ses propres films) pour construire des récits cinématographiques qui happent le spectateur. Après les dédales et tourbillons des Fantômes d’Ismaël, il change totalement d’échelle et de rythme avec ce film qui présente l’originalité d’être largement inspiré par un documentaire : Roubaix, commissariat central : affaires courantes d’Mosco Boucault, diffusé à la télévision en 2008. Nous voici plongés dans le quotidien d’un commissariat, lieu qui concentre les maux d’une société, sa misère et sa violence. La première partie expose de façon fragmentaire de douloureuses affaires (viol, disparition…) traitées par le commissaire Daoud (Roschdy Zem, impérial) et le petit nouveau, le capitaine Coterelle (Antoine Reinartz, remarquable).
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La seconde se concentre sur deux jeunes femmes à la dérive, Claude et Marie (Léa Seydoux et Sara Forestier, stupéfiantes), accusées du meurtre d’une vieille dame. Beau et éloquent, le titre résume parfaitement le film : Roubaix, une lumière. Il y a donc Roubaix, le vrai Roubaix, la terrible réalité à laquelle sont confrontés les flics. Il y a la description précise, captivante du travail des policiers, de leur langage, sur le terrain et lors des interrogatoires. Et puis il y a la lumière, celle qui vient d’on ne sait où, qui nous transperce. La lumière est-elle du côté de Daoud, personnage-phare du film, mi-psy mi-medium, mystérieux et flegmatique (« J’aime pas m’énerver, ça m’irrite. ») ? Mais ne jaillit-elle pas aussi de l’amour puissant et destructeur qui unit Claude et Marie, notamment lors de l’extraordinaire scène de confrontation de leurs témoignages ? Réalisme social et élans passionnels, diagnostic chirurgical et envolées musicales (encore une belle partition de Grégoire Hetzel) : en faisant feu de tout bois, Arnaud Desplechin signe une oeuvre pleine d’humanité sur de grands brûlés de la vie.
Roubaix, une lumière d’Arnaud Desplechin, Le Pacte (1h59). Sortie prochainement
Images: Copyright Shanna Besson