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Cannes 2024 . « Black Dog » de Guan Hu : animal social

  • Margaux Baralon
  • 2024-05-18

[CRITIQUE] En suivant un jeune homme de retour dans sa ville natale du nord de la Chine, où il adopte un chien errant, Guan Hu signe un film éminemment politique, sélectionné à Un Certain Regard. Et pare ce discours social des plus beaux atours grâce à des décors singuliers et une photographie impeccable.

À quelques jours des Jeux Olympiques, une ville du pays hôte se vide comme avant la fin du monde. Un avant-goût de Paris 2024 ? Non, nous sommes en Chine en 2008, juste avant le coup d’envoi de la compétition à Pékin. Le jeune Lang (Eddy Peng, quasiment mutique) retourne là où il est né, à l’endroit où le désert de Gobi s’apprête à avaler les terres arables. La ville est en proie à une invasion de chiens errants et déploie, conformément aux consignes des autorités chinoises dans tout le pays, une patrouille pour les capturer. Tout juste sorti de prison, Lang n’a d’autre choix que de la rejoindre, sans grande conviction. Bientôt, il décide d’adopter l’un des canidés (le fameux « black dog » du titre) plutôt que de le mettre en chenil.

De cette rencontre entre deux créatures solitaires et meurtries, le réalisateur Guan Hu tire un film non dénué d’humour qui, sous ses airs de chemin de reconstruction, jette sur la société chinoise une lumière aussi blafarde que le soleil sur les collines de terre. Comme souvent, le chien agit comme un révélateur de l’âme. Que deviennent les hommes lorsqu’ils se débarrassent de tous les éléments jugés inutiles et rasent des quartiers entiers, officiellement pour le bien commun ? Quelles conclusions tirer sur un système politique dans lequel la bureaucratie et le sacro-saint règlement prennent le pas sur la réflexion ? Surtout quand cela n’empêche ni la corruption ni les règlements de compte de perdurer.

Au-delà de son propos social, Black Dog est un grand film d’ambiance et de chef-opérateur, qui happe dès son introduction en renversant un bus sur une route poussiéreuse tandis que des chiens dévalent les buttes alentour. Naviguant entre une ville à moitié écroulée et un zoo abandonné dans lequel ne vivote plus qu’un tigre famélique, le long métrage se pare de gris et d’ocre aux allures de post-apocalypse. Guan Hu joue sur l’irruption de l’incongru dans les ruines, à l’image de cette installation pour saut à l’élastique perdue au milieu du vide, dernier témoignage de loisirs disparus. Le paroxysme est atteint lorsque le coup d’envoi des Jeux Olympiques est enfin donné, sous les hourras d’une petite foule en liesse et en total décalage avec sa ville déliquescente. Rarement le hiatus entre l’image internationale d’un pays et sa réalité aura été montré de façon aussi sauvage et crue.

Le Festival de Cannes se tiendra cette année du 14 au 25 mai 2023. Tous nos articles sur l’événement sont à suivre ici.

Illustrations : Memento Distribution

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