« Un hiver à Yanji » d’Anthony Chen : chocs électriques

[CRITIQUE] Dans un triangle amoureux volontiers impressionniste, celui qui a remporté la Caméra d’or en 2013 avec « Ilo Ilo » sonde la mélancolie d’une jeunesse chinoise comme gelée par les conventions. Et signe un film au charme électrique.


ab880004 a168 4fd9 952a b1e683075d0a photo 2 min

Du haut de ses trois films, le Singapourien Anthony Chen glisse lentement vers un langage purement sensoriel. Preuve en est avec ce curieux trio de gueules cassées, duquel l’épure psychologique confine à un cinéma quasi muet ; ainsi, l’on saura peu de choses sur Haofeng, Nana et Xiao, trois astres solitaires qui s’alignent mystérieusement un soir d’hiver, à Yanji. Un coup de foudre mutuel, c’est ce que raconte le cinéaste ; mais un coup de foudre inqualifiable, indéchiffrable pour les personnages eux-mêmes.

C’est qu’on suit trois grands désaxés de la Chine contemporaine, comme égarés dans un corps et un destin qu’ils subissent. À peine esquissés, leurs traumatismes sont presque ancrés dans le décor : une ville-monde glacée en forme de hub industriel, aux frontières de la Corée du Nord et de la Russie. Un lieu idéal pour sonder cette jeunesse qu’on dit sans avenir, voire basculer avec elle le temps de quelques nuits d’ivresse.

7dff12e9 3ba4 42d3 9da0 1295fb4db0cc photo 1

Programme qu’on devine hanté par Millennium Mambo de Hou Hsiao-hsien (2001), auquel Anthony Chen emprunte la dimension impressionniste et le goût des longues séquences musicales – en l’occurrence électroniques. Lettre d’amour à ce film matriciel et aux puissances incantatoires du cinéma, Un hiver à Yanji assimile aussi sa mélancolie à un bonheur qu’on sait partagé mais éphémère.

Un hiver à Yanji d’Anthony Chen, Nour Films (1 h 37), sortie le 22 novembre

Image (c) Nour Films

Hou Hsiao-hsien : « Ma filmographie est toujours le fruit du hasard »