CANNES 2023 · « Mars Express » : l’une des plus belles surprises du Festival de Cannes

« Mars Express » : un long métrage beau et hypnotique, qui prouve une nouvelle fois la vitalité de l’animation française.


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« – Alors, c’était comment, la Terre ?

– Toujours un clapier à chômeurs. »

Aline Ruby, détective privée, vient de quitter une planète bleue exsangue. Nous sommes au XXIIIe siècle, l’explosion démographique et la raréfaction des ressources l’ont transformée en bidonville à ciel ouvert, au sein duquel les humains sont condamnés à la pauvreté, tandis que les robots, très nombreux, forment un nouveau prolétariat, corvéable à merci. Des colonies ont donc été installées un peu partout dans la galaxie, dont la plus grande sur Mars.

Voilà l’univers de Mars Express, l’un des rares films d’animation présent à Cannes et l’une des .

Il faut s’imaginer une intrigue digne d’un film noir, avec cette Aline Ruby et son coéquipier, Carlos, en réalité un androïde façonné à l’image d’un homme décédé. Tous deux partent à la recherche de Jun Chow, étudiante surdouée, qui pourrait avoir trouvé le moyen de détourner les robots de leur servitude, en leur rendant leur libre-arbitre. Le motif de la machine qui se prend pour l’homme a beau être un classique de la science-fiction, il est ici si bien traité qu’on aurait tort de bouder son plaisir.

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Jérémie Périn et son co-scénariste, Laurent Sarfati, habillent leur récit -foisonnant mais sans longueurs- de dialogues drôles et ciselés. L’animation en 2D, toute d’élégance et d’épure, doit beaucoup à Mikael Robert, directeur artistique qui avait déjà travaillé sur le sublime Le Sommet des Dieux. Les nappes de musique électronique achèvent de parfaire cette ambiance cyberpunk enveloppante.

« Le Sommet des Dieux » : vertige existentiel

Derrière la sensation planante que laisse cet univers feutré, Mars Express offre un tableau glaçant des technologies du futur, qui n’ont contribué qu’à accroître les inégalités et à détricoter les rapports humains. On préfère désormais la compagnie des androïdes serviles à celle de ses semblables ou d’un véritable animal de compagnie. On ne prostitue plus seulement les corps mais aussi les capacités cérébrales. Le futur libéral rêvé par certains trouve ici une mise en images intelligente, qui rappelle qu’il n’y a pas là matière à apaiser les angoisses contemporaines.

Images (c) Gebekah Films