Après Bac Nord, gros succès au box-office français en 2021 et objet de polémiques (le film s’était notamment vu reprocher un traitement trop favorable de ses trois personnages de policiers accusés de corruption), la présentation sur la Croisette du nouveau long métrage de Cédric Jimenez était très attendue. Novembre expose lui aussi des faits réels (les cinq jours de traque en région parisienne de plusieurs terroristes après les attentats du 13 novembre 2015) et livre un polar centré sur les tensions auxquelles doivent faire face des fonctionnaires de police mis sous pression.
Ce sont ainsi aux équipes de la sous-direction anti-terroriste de la police judiciaire (la SDAT) que s’intéresse le scénario d’Olivier Demangel (scénariste pour Atlantique de Mati Diop ou Tirailleurs de Mathieu Vadepied, film présenté cette année à Un Certain Regard). Et ce récit choral est traité par Jimenez avec une sobriété surprenante. A la chaleur étouffante du soleil marseillais de Bac Nord succède l’atmosphère glaçante d’un mois de novembre parisien qui se transforme d’emblée en sombre cauchemar. Quand il dépeint la nuit des attentats du 13 novembre, le cinéaste évite de montrer la moindre image de victimes ou d’attaques terroristes et préfère filmer la façon dont un collectif est soudain contraint de se mettre au travail. Les bureaux de la SDAT se voient alors gagnés par une agitation et une gravité qui ne quitteront plus les personnages durant la filandreuse enquête qui va rythmer le film.
Dans ce polar très documenté, Jimenez met à contribution le prestigieux casting qui forme une équipe entièrement dédiée à sa tache : Jean Dujardin, Anaïs Demoustier, Jérémie Rénier, Sami Outalbali, Sofian Khammes ou Cédric Kahn incarnent en effet des enquêteurs qui doivent gérer leurs frustrations (le personnage de Dujardin a par exemple raté à quelques secondes près l’arrestation d’un terroriste lors d’une mission à Athènes montrée en introduction) et garder la tête froide devant les multiples informations qui leur parviennent et qu’il leur faut interpréter.
Il résulte logiquement du film une certaine froideur qui correspond à l’esprit de sérieux de la mission représentée, mais Novembre trouve malgré tout son coeur battant à travers l’histoire de la jeune informatrice (jouée par Lyna Khoudri) qui met la police sur la piste des terroristes mais se retrouve malmenée par un enquêteur lors d’un interrogatoire, comme si on la soupçonnait d’être une complice ou une manipulatrice. Ce personnage de citoyenne héroïque prenant des risques inconsidérés n’est pas sans rappeler la courageuse informatrice jouée par Kenza Fortas dans Bac Nord. Ces deux figures sacrificielles et tragiques constituent au final le lien thématique majeur qui parcourt l’œuvre récente de Cédric Jimenez, laquelle observe le travail acharné de services de police qui ne sont pas avares de dysfonctionnements et d’errements pouvant potentiellement reproduire à leur tour des injustices.
Novembre de Cédric Jimenez, StudioCanal (1 h 40), sortie le 5 octobre
Image (Studio Canal)