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De Britney Spears à Paris Hilton : la revanche des blondes et le retour des divas

  • Lena Haque
  • 2024-11-18

[STORY] Depuis quelque temps, les divas reviennent en force au cinéma et en musique. Entre nostalgie des années 2000 et réflexion sur la féminité, leur popularité croissante témoigne d’un tournant dans le traitement médiatique des femmes.

L’annonce est tombée en octobre : plus de vingt ans après le premier volet, Freakier Friday avec Jamie Lee Curtis et Lindsay Lohan est en production. Mais ce n’est pas tout ! Un troisième épisode de Journal d’une princesse et une suite du Diable s’habille en Prada seraient aussi dans les tuyaux ; le film Legally Blonde devrait faire l’objet de deux séries, avec Reese Witherspoon à la production ; la biographie de Paris Hilton, The Memoir, sera bientôt adaptée pour le petit écran par les sœurs Fanning.

La tête nous tourne : est-on en 2024 ou en 2004 ? Il faut dire qu’en ce moment le spectre des années 2000 est partout. Qu’il s’agisse des tendances de la période – jean taille basse, sourcils très épilés et gloss – ou des contenus culturels qui l’ont jalonnée, la fameuse mode Y2K (soit Year 2000 en langage jeune et américain) a conquis le monde en un rien de temps. Des pop stars comme Olivia Rodrigo ou Ariana Grande accumulent les références aux années 2000, tandis que la rappeuse Ice Spice a sobrement intitulé son premier album Y2K!. Sur TikTok, le hashtag du même nom générait 4,8 milliards de vues en 2022.

Paris Hilton © Capture Youtube vidéoclip « ADHD »

Les icônes qui ont incarné cette période, à savoir la sainte trinité formée par Lindsay Lohan, Britney Spears et Paris Hilton, bénéficient également d’un regain d’attention. Idolâtrées à rebours, ces dernières sont aujourd’hui perçues comme les dernières vraies divas que l’industrie du divertissement ait produites, et des stars comme on en fait plus : indécentes, absolues et authentiques.

Les trajectoires qu’elles ont connues, évidemment, sont de plus en plus rares. Propulsées au rang de célébrités dès l’enfance, Spears, Lohan, Hilton et leurs consœurs grandissent sous le feu des projecteurs. Lorsque leurs carrières explosent, elles sont à cet âge délicat que Britney définit comme « Not a Girl, Not Yet a Woman », et leur métamorphose en adultes captive leur public.

Leurs tentatives pour casser leur image de petite fille sage provoquent une levée de boucliers – on se rappelle le scandale du baiser que Britney Spears et Christina Aguilera partagent avec Madonna sur « Like a Virgin » aux MTV Video Music Awards en 2003 – alors même que les chanteuses osent des singles de plus en plus explicites, comme « Toxic » ou « Dirty ».

 En parallèle, leurs dérives judiciaires – condamnation pour conduite sans permis dans le cas de Paris Hilton, allers-retours en rehab ou en prison et consommation de drogues pour Lindsay Lohan, mise sous tutelle judiciaire de Britney Spears – éclipsent progressivement leurs carrières.

Tandis que les tabloïds font des gorges chaudes de leur vie privée, beaucoup d’entre elles craquent sous la pression médiatique. En 2007, Britney Spears se rase la tête devant les caméras, attaque un paparazzi et perd la garde de ses enfants dans la foulée. Le point de rupture semble atteint.

Collection Christophel © 2004 Walt Disney Pictures

Alors qu’elles approchent le cap de la trentaine, les médias se désintéressent d’elles. Celles qui tentent de poursuivre leurs carrières sont méprisées par la critique et devancées par des starlettes plus jeunes, jugées moins difficiles. La figure de la diva est-elle définitivement enterrée ?

La revanche des bimbos

Alors que la tendance Y2K attire de nouveau l’attention sur elles, ces stars répudiées ont cependant aujourd’hui la possibilité de réécrire leur histoire. Car, si les années 2000 les ont rendues célèbres, les années 2020 leur ont fait cadeau d’une arme bien plus puissante : la parole.

Dans le sillage du mouvement MeToo, le documentaire Framing Britney Spears revient en 2021 sur la mise sous tutelle abusive de la pop star et s’intéresse au mouvement FreeBritney. La même année, la chanteuse remporte sa longue bataille juridique pour mettre un terme à cette tutelle ; pour la première fois depuis 2008, Spears est libre de s’exprimer, et publie ses Mémoires, The Woman in Me, dans lesquels elle revient sur son exploitation et la misogynie qu’elle a subie.

« Les autres – et par les autres, je veux dire les hommes – avaient le droit de prendre des libertés. Quand Justin [Timberlake, ndlr] m’a trompée et s’est comporté de façon sexuelle, ça a été qualifié de mignon. Mais, quand j’ai porté un body à paillettes, Diane Sawyer m’a fait pleurer à la télévision […], et la femme d’un gouverneur a dit qu’elle voulait m’abattre », écrit-elle.

La machine est lancée. En 2020 et 2023, Paris Hilton et Pamela Anderson sortent à leur tour des documentaires révélant leurs traumatismes respectifs. Lindsay Lohan décroche un rôle dans une production Netflix de Noël, qui devient le film hivernal le plus regardé de la plateforme.

Cette année, des films comme The Substance questionnent l’hypersexualisation et l’âgisme de Hollywood, tandis qu’en France la série Culte revient sur le destin de Loana Petrucciani, star déchue de Loft Story. Les divas, contre toute attente, fascinent de nouveau.

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En réalité, c’est aussi la féminité que ces célébrités incarnaient dans les années 2000 qui bénéficie d’une réhabilitation. Dominée par des tendances comme le barbiecore ou le bimbocore, la mode Y2K amplifie en fait l’esthétique lolita qui régnait au début du millénaire via des marques comme Hello Kitty ou Juicy Couture et des icônes telles que Lorie, Mylène Farmer ou Alizée

Cependant, à la différence des années 2000, qui glorifiaient l’hyperféminité tout en maltraitant celles qui l’incarnaient, la tendance Y2K, elle, questionne ce qu’il s’y joue politiquement. La revalorisation du terme « bimbo », longtemps associé aux stars des années 2000 – en 2006, la une du New York Post qualifiait une rencontre entre Spears, Lohan et Hilton de « sommet des bimbos » –, témoigne de cette envie de dévoyer les stéréotypes qui y sont associés, comme la bêtise ou la vanité.

En parallèle, le succès actuel d’artistes féminines à l’esthétique ouvertement girly et dont la fanbase est composée d’adolescentes et de personnes queer, comme Taylor Swift, Chappell Roan ou Sabrina Carpenter, atteste aussi de la puissance de ces communautés, désormais courtisées par les médias. Ces artistes offrent un nouveau visage au personnage de la bimbo et à son esthétique camp (que Susan Sontag définissait comme « le goût de l’exagéré »), et réhabilitent par ricochet les traits associés au personnage de la diva, comme le scandale, le glamour et l’exigence.

The Eras Tour © 2024 TAS Rights Management

Pour les pop stars génération, c’est la possibilité de reprendre le pouvoir (en témoigne la façon dont Chappell Roan a remis un paparazzi à sa place en lui demandant de « la fermer » après qu’il l’a insultée sur le tapis rouge des V.M.A.) ; pour leurs aînées des années 2000, c’est l’occasion de revenir sur le devant de la scène en toute sécurité.

Les adolescents qui découvriront Lindsay Lohan pour la première fois dans Freakier Friday se délecteront donc de ses talents de comédienne sans le bruit de fond des tabloïds misogynes : l’actrice a déménagé à Dubaï, où les paparazzi sont illégaux, et compte bien ne plus se laisser faire. Qui l’eût cru ? Comme le disait Lohan en personne dans Confessions of a Teenage Drama Queen en 2004 : « Les rêves sont importants. Un jour, lorsque vous ne vous y attendez pas, ils vous trouvent. »

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