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Blow Up explore les différentes facettes de Juliette Binoche
- Léa André-Sarreau
- 2020-03-12
Avant de camper avec une fausse ingénuité une directrice d’école ménagère sur la voie de l’émancipation (dans La Bonne épouse de Martin Provost, actuellement en salles), Juliette Binoche a testé bien d’autres palettes de jeu, que Blow-Up explore dans une nouvelle vidéo.
Il y a d’abord les films de la révélation. Dans Je vous salue Marie de Jean-Luc Godard (1985), où elle tient un second rôle, c’est sa voix d’une maturité impressionnante qui contraste avec son visage encore juvénile. La même année, dans Rendez-vous d’André Téchiné, c’est une sensualité muette qui naît à l’écran – elle est alors aux côtés de Lambert Wilson. Mais c’est Leos Carax dans Mauvais Sang en 1986 qui saisit toutes les nuances de son jeu : tantôt floue et évanescente, les yeux perdus dans le vague, puis rieuse au premier plan, remplissant l’espace vide de sa simple présence.
De notre mémoire cinéphile surgissent d’autres souvenirs inoubliables de Juliette Binoche. En 1988, c’est une séquence où l’actrice, appareil-photo à la main, sort dans la rue pour immortaliser sur la pellicule le Printemps de Prague dans L’Insoutenable légèreté de l’être. Ce sont les longues séquences musicales dans Bleu de Krzysztof Kieślowski, où son personnage endeuillé réapprend à éprouver le chagrin comme la joie en tendant l’oreille, mais aussi la célèbre séquence des Amants du Pont-Neuf où elle entame une danse désarticulée et hypnotisante avec Denis Lavant.
Juliette Binoche, c’est aussi des rencontres fulgurantes avec des réalisateurs, des collaborations fusionnelles. On pense à Michael Haneke, avec qui elle tourne pour la première fois Code inconnu en 2000, et qu’elle retrouvera dans Caché en 2005. Devant sa caméra, la comédienne révèle un art de l’ambiguïté nouveau, une inquiétante étrangeté impressionnante. Chez Olivier Assayas, Juliette Binoche trouve l’un de ses rôles les plus vertigineux, celle d’une comédienne de théâtre troublée par un rôle au point d’en perdre son identité (Sils Maria, 2014), et chez Claire Denis, dans Un beau soleil intérieur (2017), elle navigue entre les hommes à la recherche du grand amour, avant de se lover dans le réconfortant At Last d’Etta James.
Notons aussi (parce que ça nous fait plaisir), ses deux têtes-à-têtes mémorables avec Robert Pattinson dans le glacial Cosmopolis de Cronenberg et le perturbant mais très beau High Life. Histoire de rendre hommage à son auto-dérision, rappelons pour finir que dans Ma Loute de Bruno Dumont, elle crève l’écran dans la peau d’une bourgeoise ridicule, façon loufoque et maligne de porter un regard distancié sur ses rôles souvent cérébraux et graves.
Image: Capture d’écran