« Babylon » : la flamboyante plongée de Damien Chazelle dans le Hollywood d’antan

Le réalisateur de « La La Land » reconstitue le Hollywood des années 1920 pour en dépeindre le virevoltant mélange d’abus, de fantaisie et de coups de folie. Et réussit une œuvre foisonnante, au grisant casting et à la musique ensorcelante.


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Formant un courant cinématographique à part entière, les films qui racontent les coulisses de l’industrie hollywoodienne ont souvent le mérite de tendre un miroir au public et de décortiquer la fascination exercée par le septième art.

Damien Chazelle, prodige de la réalisation célébré en 2014 avec Whiplash puis oscarisé en 2017 pour La La Land, livre ici sa propre version du genre avec un souffle et un enthousiasme sidérants. Plongeant dans le Hollywood des années folles, Babylon démarre en 1926 par une vertigineuse séquence de fête dans une villa californienne où se croisent différents protagonistes.

Au milieu des excès de toutes sortes (consommation de drogue, sexe à tous les étages, alcool coulant à flots) défilent ainsi Nellie LaRoy (Margot Robbie), actrice en quête de célébrité et débordante d’énergie, Manny Torres (Diego Calva), immigrant venu du Mexique qui rêve de travailler sur un plateau de tournage, ou Jack Conrad (Brad Pitt), vedette du cinéma muet au sommet de sa gloire.

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Dès le début de cette fresque qui met en scène des héros fictifs mais inspirés de vraies figures hollywoodiennes (comme Clara Bow ou Douglas Fairbanks), Damien Chazelle cultive brillamment les ruptures de tons, alternant entre scènes burlesques survoltées et moments cafardeux où le désespoir remonte à la surface.

Car la fascination palpable du cinéaste américano-français pour les origines du cinéma s’accompagne de la peinture en filigrane de la vulgarité et des abus toxiques d’une industrie qui était encore à l’époque en quête de respectabilité et où chacun risquait de se brûler les ailes. Babylon fait donc cohabiter dans un même mouvement et à l’intérieur des mêmes corps euphorie de la créativité et pulsions destructrices d’individus vivant un âge d’or qui connaît déjà son crépuscule.

Loin de s’enfermer dans le passéisme, le film dresse plusieurs passerelles avec l’époque contemporaine tandis que la présence au casting de Brad Pitt et Margot Robbie – doublée d’une réflexion sur les évolutions idéologiques d’Hollywood – évoque par moments le Once Upon a Time… in Hollywood de Quentin Tarantino.

Babylon bénéficie en outre d’une flamboyante musique signée Justin Hurwitz (compositeur de tous les films de Damien Chazelle) qui illustre les montagnes russes émotionnelles par lesquelles passent les personnages en mêlant de fougueuses montées d’adrénaline à des mélodies ouvertement mélancoliques. Au bout de trois heures d’intenses sensations, Chazelle peut alors célébrer dans un audacieux épilogue le pouvoir salvateur des images cinématographiques.

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On ne pouvait rêver d’une œuvre plus étincelante pour magnifier les singularités et les vertus de l’expérience offerte par les salles de cinéma. Lesquelles restent, malgré les mutations technologiques constantes et les transformations des habitudes du public, un lieu à la magie incomparable que Damien Chazelle saisit ici avec éclat.

Babylon de Damien Chazelle (Paramount Pictures, 3h09), sortie le 18 janvier