À voir sur Arte : « Partir un jour », un court musical porté par Juliette Armanet

Ludique et gracieux, ce film d’Amélie Bonnin prend la forme d’un karaoké nostalgique, où se répare un amour de jeunesse manqué.


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Sur un parking d’autobus, des anonymes chantent en choeur, avec une imperfection presque touchante : « Partir un jour sans retour/ Effacer notre amour/ Sans se retourner, ne pas regretter / Garder les instants qu’on a volés ». La grisaille ambiante du décor cherbourgeois contraste avec ce tube désuet des années 90, interprété dans sa version originale par le boys band français 2be3.

Le premier court-métrage de fiction d’Amélie Bonnin, Prix du public national et de la meilleure musique originale (Sacem) au festival de Clermont-Ferrand 2022, joue en permanence de cette discordance entre un réel tiède et des apartés mélodiques inattendues.

La réalisatrice y raconte l’histoire de Julien (Bastien Bouillon, tout en flegme), un romancier revenu dans sa ville natale après une longue absence. En traînant au supermarché, il croise Caroline (la chanteuse Juliette Armanet, malicieuse), une ancienne camarade de classe devenue caissière, dont il était amoureux. Ils s’embarquent alors dans une virée à la piscine du coin, où un bain nocturne deviendra le moyen d’évoquer les occasions manquées et les sentiments tus…

De ce canevas romantique très classique, Amélie Bonnin tire un récit rafraîchissant, qui emprunte sa forme au karaoké, avec tout ce qu’il génère de nostalgique et de ludique. À la façon d’Alain Resnais et son film musical On connaît la chanson, la réalisatrice fait éclore les états d’âme de ses personnages grâce aux paroles de morceaux populaires et intergénérationnels. Lorsque résonnent fébrilement L’encre de tes yeux de Francis Cabrel, ou encore Tu m’oublieras de Larusso, les personnages parviennent enfin à se dire qu’ils s’aiment, et adressent au spectateur des regards caméra qui l’incitent à une introspection en chansons.

Ces épiphanies musicales sont d’autant plus fortes qu’elles se cognent à une mise en scène très naturaliste du quotidien. Amélie Bonnin ménage, au milieu de ces séquences chantées, des instants prosaïques – une scène de repas entre Julien et ses parents, qui lui reprochent de les décrire comme des « ploucs » dans ses livres, des plans sur la campagne embrumée – où se dessine discrètement un tableau du retour impossible à l’adolescence, mais aussi du choc social et culturel, Julien étant un transfuge de classe.

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