Depuis Hérédité (2018), descente aux enfers familiale, et Midsommar (2019), cauchemar sous le soleil païen, une question nous taraude : d’où Ari Aster, petit prodigue du cinéma d’horreur, tire-t-il ses obsessions lancinantes sur les liens maudits du sang, l’horreur qui cannibalise le quotidien ? En attendant de découvrir Beau is Afraid, la prochaine farce flippante du réalisateur portée par Joaquin Phoenix et Denis Ménochet (oui, oui), Indiewire propose de découvrir ses 34 films fétiches. De Roman Polanski à Ingmar Bergman, à vous de déceler, entre les lignes, les indices sur ses sources d’inspiration.
Ari Aster : « J’ai toujours vu la famille comme une espèce de trou noir »
On commence avec un petit frenchy : Alain Resnais, dont Hiroshima mon amour a particulièrement marqué Ari Aster par sa structure narrative innovante, capable de traduire les reflux de la mémoire et les fantômes qui hantent notre vie. Plus étonnant : le cinéaste est un inconditionnel du cinéma social de Mike Leigh, notamment d’Another Year, dans lequel le réalisateur britannique fait le portrait ironique, à la fois tendre et cru, d’un couple de sexagénaire londonien à qui tout sourit, alors qu’ils sont entourés de drames. Un film « sournois », qui a « pris au dépourvu » Ari Aster par ses revirements scénaristiques.
Citons également Isabelle Huppert, qui remporte la Palme d’interprétation d’Ari Aster pour La Pianiste de Michael Haneke : « Les acteurs livrent des performances magistrales tout en restant très cliniques et brutaux dans leur rejet de la sentimentalité ». On réclame Ari Aster dans le prochain jury cannois.
3 questions à Ari Aster pour « Midsommar »
Mais les trois grands gagnants de ce top, chacun cités à au moins trois reprises, sont le Japonais Kenji Mizoguchi (notamment pour Les Contes de la lune vague après la pluie, une histoire de fantômes éthérée), Roman Polanski (Répulsion et Rosemary’s Baby, leur façon de remodeler le genre de façon brillante en bouleversant les conventions, ont inspiré Hérédité), et Michael Powell and Emeric Pressburger (Les chaussons rouges, une masterclass de couleurs et de composition picturale d’après Ari Aster).
Mention spéciale au cinéaste indien Satyajit Ray et sa trilogie d’Apu, fresque fascinante sur « un garçon qui a jeté un sort à sa famille et apporte la mort et la destruction à tous ceux qu’il aime ». On comprend mieux d’où vient l’obsession du réalisateur pour les fratries dysfonctionnelles et les héritages maudits. Un dernier pour la route : Fanny et Alexandre de Bergman, summum de cruauté intra-familiale qu’Ari Aster admire plus que tout – sans doute parce qu’il ausculte avec froideur les abus de l’autorité parentale.