« Anti-Squat » de Nicolas Silhol : marchands de sommeil

[CRITIQUE] Après l’édifiant « Corporate » en 2017, Nicolas Silhol retrouve une réflexion autrement actuelle sur l’aliénation au travail avec un film à l’esthétique glaçante, en quête de flamme.


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Menacée d’expulsion avec son fils de 14 ans, Inès accepte une mission chez Anti-squat, une société qui loge des personnes précaires au sein de locaux inoccupés. Très vite, elle chavire, prise entre ses convictions quant aux droits des occupants et la nécessité d’offrir une situation stable à son enfant en s’assurant un CDI. C’est à un bot que s’adresse la jeune femme, face caméra, dans le tout premier plan, installant au passage cette inquiétante étrangeté qui va sinuer dans cet objet hybride qu’est Anti-Squat.

Adossé à une réalité très concrète – la loi éponyme a été promulguée en juillet dernier et pérennise ce modèle, en apparence vertueux, de système locatif –, le film joue sur les textures et volumes des bâtiments, comme sur les visages lisses et désincarnés de ceux qui les administrent. Quand le fils d’Inès s’anime de mouvements cadencés sur le flow de raps revendicatifs, sa mère (Louise Bourgoin, au plus juste) affirme une « physicalité » mécanique, prompte à obéir. Une oscillation des corps et des esprits que Nicolas Silhol regarde avec beaucoup d’humanité, comme pour identifier chez ses personnages – même les plus vils – ce qu’il reste de révolte face à l’asservissement et à la restriction des libertés qui les dressent les uns contre les autres.

Anti-Squat de Nicolas Silhol, Diaphana 1 h 35, sortie le 6 septembre

Image (c) Julien Panié_Kazak Productions