Avec un regard décalé, le cinéaste ukrainien Sergei Loznitsa (My Joy, Donbass) ressuscite le gratin politico-mondain des années 1950-1960 dans un court-métrage savoureux, issu de la collection « 3e scène » de l’Opéra de Paris.
Devant l’Opéra Garnier, une foule en liesse voit défiler sur le tapis rouge des stars de cinéma (Brigitte Bardot accompagnée de Sacha Diestel, Gérard Philipe…) et figures d’États (De Gaulle, la Reine Elisabeth II…). Parés de leurs plus beaux habits, ces invités de marque s’offrent aux regards de photographes ou de groupies venus en nombre suivre l’événement. Accueillis dans l’antre majestueuse de l’institution par des gardes et les petits rats de l’Opéra, ils se pressent pour entendre la divine Maria Callas.
Invité par l’Opéra de Paris à livrer, comme d’autres cinéastes, sa vision de l’opéra (dans le cadre de la superbe collection dédiée « 3e scène » imaginée par l’institution), l’Ukrainien Sergei Loznitsa réalise un court-métrage aussi drôle que fascinant. À la lueur de flashs qui crépitent, dans un montage d’archives épileptique, il observe avec ironie cette procession de célébrités qui, pour la plupart disparues, prennent des allures de fantômes surgissant d’une autre dimension. S’amusant du côté pompeux et guindé de cette kermesse mondaine, le cinéaste détourne avec un plaisir évident ces fastueuses images tournées lors de galas dans les années 1950 et 1960, se moquant des protocoles et du conformisme inhérents à ce type d’événements. On voit ainsi Yvonne de Gaulle, épouse du Général, remercier par deux fois, en deux tenues différentes et accompagnée de deux invitées, les petites ballerines venues l’accueillir avec des fleurs. Un peu plus tard, avant que la performance de la Callas occupe l’espace et les esprits, on ne peut s’empêcher de sourire lorsqu’on retrouve tout ce beau monde disposé en rang d’oignons dans la sublime salle du Palais Garnier.
À VOIR AUSSI : Blue, le court-métrage incandescent d’Apichatpong Weerasethakul pour 3ème scène
Il faut dire que c’est un peu la spécialité de Loznitsa, qui a réalisé de nombreux documentaires à partir d’archives qu’il se plaît à éloigner de leurs buts originels — dans de précédents courts-métrages, il a par exemple réutilisé des images de propagande soviétique pour souligner leur anachronisme et leur absurdité (Revue en 2008, où il fait défiler une sélection d’images diffusées à la télévision soviétique, ou Funérailles d’État en 2019, qui suit les funérailles de Staline). Encore une fois, son humour distancier fait mouche.
À VOIR AUSSI : Clément Cogitore fait danser des pros du krump pour 3e scène