« On ne rentre pas dans la Résistance comme on rentre dans une banque, en disant : « Bonjour, ouvrez-moi un compte résistance » ». A la gare, où elle se rend avec Lucie, étudiante en histoire passionnée par la Seconde Guerre mondiale, Colette Marin-Catherine fouille dans ses souvenirs. Alors qu’elle évoque la capitulation de la France face à Hitler en 1940, des archives filmées ressurgissent – Paris en feu, des arrestations d’individus par la Gestapo. Au milieu des clichés ravivés, son frère aîné Jean-Pierre, résistant comme elle, mort à Dora le 22 mars 1945. Colette a 92 ans, l’esprit alerte et révolté de ceux qui ont vu le pire. Pour la première fois, elle entreprend un pèlerinage en Allemagne avec sa nouvelle complice Lucie, à qui elle confie ses histoires de fantômes, notamment celle de ce frère dont elle n’était pas forcément proche, celle de sa mère qui lui en a voulu d’être en vie à sa place.
Nul chemin de croix, ni héroïsme voyeuriste dans ce film réalisé par Anthony Giacchino (également réalisateur de Camden 28, sur des activistes anti-Vietnam, qui risquèrent l’emprisonnement pour dénoncer la guerre) – plutôt la recherche d’une transmission. Comme pour répondre à la pudeur de son héroïne, qui déteste « le tourisme morbide » autour des camps de concentration, le documentaire dresse le portrait d’une femme inébranlable. Le court-métrage s’offre comme une archéologie dans les vestiges d’un passé violent, dessiné par des objets (uniformes, formulaires jaunis) qui permettent de garder une mémoire vive de l’horreur, des noms et des visages. Mais il s’agit surtout de filmer une rencontre intergénérationnelle, solidaire, où se réconcilient enfin deux exigences parfois insolubles : le désir de vérité historique (portée par Lucie), et la difficulté à refermer des blessures insurmontables – ce vers quoi Colette s’achemine doucement.
Image : Capture d’écran Youtube