Maudit ! partage avec Memoria d’Apichatpong Weerasethakul (qui sort également ce mois-ci) une manière aussi tendue qu’indirecte d’évoquer le passé douloureux et sanglant d’un territoire. Plutôt que d’aborder frontalement ces blessures, les deux films choisissent de créer une inquiétude latente. À travers un son entêtant pour Weerasethakul, des fantômes qui dévisagent pour Parraud, les cinéastes expriment sourdement comment l’histoire pèse encore, et à quel point le travail de réparation reste à faire.
Autour d’une maison reculée en pleine nature sauvage sur l’île de La Réunion, après une soirée arrosée en sa compagnie, Alix part à la recherche de Marcellin, son ami disparu. À partir de cette soirée d’ivresse, Parraud joue d’une forme éclatée avec les trous de mémoire du personnage. Ses hallucinations mettent en scène des esprits ou des situations qui interrogent son identité réunionnaise au milieu d’une végétation labyrinthique, comme cette séquence perturbante où, pour un artiste, Alix pose immobile dans une cage et demande à des visiteurs blancs de prendre sa place. Le côté do it yourself du film, avec son fantastique minimaliste, presque fauché, a ceci de déstabilisant qu’il rend ces questionnements encore plus proches et incisifs.
Maudit !, d’Emmanuel Parraud, DHR/À Vif Cinémas (1 h 15), sortie le 17 novembre
Image : Copyright Spectre Productions