« Laissez-moi » de Maxime Rappaz : Jeanne Balibar en état de grâce

[Critique] Présenté l’an passé dans la sélection ACID, à Cannes, le premier film du jeune cinéaste suisse Maxime Rappaz est un élégant mélodrame, saisi dans les règles de l’art puis progressivement abandonné à l’allure souveraine de son actrice, Jeanne Balibar.


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Le mélodrame est un genre inépuisable : les récits d’amours empêchées ont beau se succéder, leur horizon actera toujours leur singularité. À ce titre, Laissez-moi est autant un film de peintre que de chorégraphe. Il est d’abord un paysage grandiose, niché au cœur des Alpes dans un défilé d’angles abrupts et de pics rocailleux, baigné d’une lumière blanche et froide.

Le monde immédiat dans lequel se déploie la routine ascétique de Claudine – une vie consacrée aux soins de son fils handicapé, à l’exception des mardis, où elle fréquente des hommes de passage dans un bel hôtel d’altitude – est recouvert d’un glacis métallique. Bien sûr, un événement – la rencontre avec un homme, un parmi les autres – fait progressivement dérailler ce quotidien d’horlogerie.

Mais ce virage narratif est moins, pour Maxime Rappaz, une paresse qu’une impulsion poétique. Sa mise en scène épouse peu à peu le rythme et la démarche si singulière de Jeanne Balibar, aussi chaloupée que discrète, presque flottante au-dessus des coulées de béton. Le mouvement romantique est alors transporté par le corps de l’actrice, jusqu’à courber la rigidité des lignes qui surplombent les personnages.

Jeanne Balibar : « L’art doit ouvrir à des mystères, des doutes, des océans de fragilités »

Laissez-moi de Maxime Rappaz, Eurozoom (1 h 33), sortie le 20 mars.