
Adolescentes (2019) de Sébastien Lifshitz
Emma et Anaïs sont deux meilleures amies inséparables. En les filmant de leurs 13 à leurs 18 ans, le cinéaste Sébastien Lifshitz (Petite Fille, Bambi) capture leur insouciance, bientôt teintée de doutes. La séparation est inévitable, liée à leur classes sociale, leurs choix d’orientation, les turbulences familiales et une actualité politique déconcertante. Un double portrait intense, drôle et sincère, qui, à travers les trajectoires parallèles de ces deux jeunes filles, ratisse plus grand. Car en imposant un temps de tournage long (cinq ans), et un style ultra-immersif, Lifshitz réussit à transcender les intimités pour radiographier l’époque. À la manière, patiente et jamais impudique, d’un Richard Linklater et son mythique Boyhood, le cinéaste filme la métamorphose cruelle vers l’âge adulte – mais aussi et surtout la naissance de deux actrices qui s’ignorent comme telles.
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Premières solitudes (2018) de Claire Simon
Dans ce documentaire épuré et intimiste, Claire Simon, également derrière l’extraordinaire Notre Corps, donne la parole à des lycéens d’Ivry-sur-Seine, qui partagent leurs expériences de vie et leurs situations familiales souvent complexes. À travers ces confidences, discussions à cœur ouvert, le film s’intéresse au grand gap qui sépare ces adolescents en quête de repères de leur prochaine vie d’adulte. Une très belle manière d’aborder des questions existentielles autour de sujets tels que l’amour, l’avenir et la solitude. Le grand pari (risqué et réussi) de ce film, c’est qu’il s’en remet tout entier au pouvoir de la parole, de l’échange verbal. Profondément anthropologique, plus que romanesque, la caméra de Claire Simon impose la confidence et le doute comme points cardinaux de son dispositif.
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Swagger (2016) d’Olivier Babinet
Mêlant documentaire et fiction, Swagger, réalisé par Olivier Babinet (les fantaisistes Poissonsexe ou Normale) propose une plongée inédite dans l’univers de onze collégiens d’Aulnay-sous-Bois et de Sevran. Une œuvre poétique qui explore les rêves, les ambitions et la vision du monde souvent drolatique, mais pourtant jamais dérisoire, d’une jeunesse des banlieues défavorisées. Des emprunts à la comédie musicale et au teen-movie américain apportent un rythme unique à ce voyage délirant et fantasque dont on ne ressort pas insensible. Ovni formel, combinant les genres et déployant un mixage sonore affûté, Swagger évite ainsi tout regard sociologique plombant.

L’Époque (2018) de Matthieu Bareyre
Dans un Paris de l’après Charlie et à travers de multiples rencontres nocturnes, le documentaire de Matthieu Bareyre raconte les espoirs, les colères et les questionnements d’une jeunesse désorientée en quête de sens et de liberté. Une réflexion profonde sur le collectif entre amour, fêtes, inquiétudes et anarchisme. La police y est représentée comme une masse informe, là où les jeunes manifestants noctambules sont plus vivants que jamais, déterminés à faire bouger les choses, quoi qu’il en coûte. Assumant volontairement la forme d’une déambulation, le film est un collage intempestif, une mosaïque fragmentée. Son rythme urgent rappelle les grandes œuvres de Chris Marker, celles dans lesquelles le montage fiévreux des rushes (deux cent cinquante pour ce film) fait écho aux fracas du monde.

Les Règles du jeu (2014) de Claudine Bories et Patrice Chagnard
Dans un centre d’insertion professionnelle, plusieurs jeunes adultes sans diplôme doivent apprendre à maîtriser les codes du monde du travail pour décrocher un job. Face aux exigences absurdes et parfois cruelles du marché de l’emploi, Les Règles du jeu dévoile avec justesse et sincérité les tensions entre ces jeunes en difficulté et les formateurs chargés de les préparer à affronter un monde bien souvent impitoyable. Construit sur un enchaînement de courtes séquences , comme une course contre la montre impitoyable, le film ne perd jamais de vue ses protagonistes, enregistre tout, jusqu’à un appel qui changera tout. Surtout, avec ses plans fixes immuables et ses joutes verbales, le film donne à entendre l’écart entre le langage du « monde professionnel », rhétorique vide de sens, et la spontanéité de ces jeunes pas tout à fait prêts pour rentrer dans le rang.