
Lesbian Space Princess d’Emma Hough Hobbs et Leela Varghese
Avec un titre pareil, c’était inévitable : on l’a repéré tout de suite parmi le programme de cette édition, et on a fait (lourdement) porter dessus tous nos espoirs. On avait donc peur que ce film d’animation style cartoon sur la quête spatiale de la très boring fille du couple royal de la planète Clitopolis pour sauver son ex-copine badass des griffes de vilains extraterrestres mascus, nous déçoive Miracle : on a adoré. Avec son style pop à l’ancienne, l’expressivité drama et très manga de ses personnages (qui rappelle un peu les Supers Nanas), ses blagues à la fois accessibles et référencées pour la communauté queer et son univers camp plein de fluides, Lesbian Space Princess nous a conquis. On aurait simplement aimé que soit encore plus fou, que le film ose carrément prendre le virage gore à la Happy Tree Friends vers lequel on le sent parfois lorgner, ou bien explore davantage la bizarrerie de ses toons déglingués, façon Cool World. Ça n’en reste pas moins le plus beau spécimen de long métrage lesbien d’animation – et, pour l’instant, le seul de la galaxie.
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Peter Hujar’s Day d’Ira Sachs
Après le très beau Passages (2023), sur un sexy et virevoltant triangle amoureux à Paris, Ira Sachs retrouve l’ultrasensible et talentueux Ben Whishaw pour un tout autre exercice. En 1974, l’écrivaine Linda Rosenkrantz, projetant de faire un livre, a interviewé plusieurs de ses amis artistes en leur demandant de raconter leurs dernières 24h en détail. Parmi eux, le photographe gay Peter Hujar. L’enregistrement sonore de leur conversation est aujourd’hui perdu, mais sa retranscription écrite a été retrouvée, et c’est sur elle que le cinéaste américain s’est basé pour imaginer cette journée de conversation érudite et passionnée entre Rosenkrantz (la rare et excellente Rebecca Hall) et Hujar (Ben Whishaw, virtuose). Douceur de l’échange, tendresse de l’amitié qui se resserre encore à travers ce dialogue sur la banalité (qui ne l’est en fait pas du tout, puisque Hujar avait, la veille et entre autres, téléphoné à Susan Sontag et tiré le portrait d’Allen Ginsberg)… Cet après-midi fantasmé et ramassé sur 1h10 dépeint une intimité folle avec une grâce dont seul Ira Sachs a le secret.
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Queerpanorama de Jun
Li L’intimité et l’échange sont aussi au cœur du beau long métrage de fiction du réalisateur hongkongais Jun Li. Dans un élégant noir et blanc et un format carré, Queerpanorama suit un jeune homme de 27 ans à travers ses rencontres successives avec des hommes avec lesquels il a matché sur des applis. A chaque nouveau rendez-vous, il reprend des éléments de l’identité de son précédent amant et observe les réactions du nouveau, tout en absorbant son histoire singulière. À travers des détails dans les dialogues, on comprend progressivement que le récit se situe sur l’île de Hong Kong, après les manifestations populaires de 2019-2020. On peut ainsi voir dans ce héros une passionnante allégorie d’une identité collective en mutation, une entité qui cherche des points d’ancrage en allant à la rencontre de personnalités diverses et en se laissant traverser (jusqu’au sens le plus sexuel de l’expression) par des cultures multiples. Jusqu’à, peut-être, trouver sa propre identité.
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