Vu à la Berlinale 2025 : « Kontinental ’25 » de Radu Jude

[CRITIQUE] Lancé à toute berzingue dans la course à l’Ours d’or, le nouveau film de Radu Jude est un engin redoutable, complètement fauché et radicalement percutant. S’y racontent les grands mouvements de la Roumanie contemporaine à travers la crise introspective d’une héroïne bien de son époque.


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Kontinental '25 de Radu Jude

Il n’y a même pas deux ans, l’extraordinaire N’attendez pas trop de la fin du monde, objet foldingue auréolé du Léopard d’or à Locarno et sorti en septembre 2023 dans nos salles, racontait la surchauffe générale de la société roumaine avec une noirceur assumée et un humour fiévreux.

Dans une même économie de moyens et en un geste tout aussi libre, Radu Jude installe la scène introductive de son nouveau film en plein Dino Park de Cluj, la plus grande ville de Transylvanie (région ayant appartenu à la Hongrie pendant 51 ans). Un vieil homme y déambule, manifestement peu impressionné par les répliques de dinosaures qui s’animent sur son passage, et rejoint plus tard le sous-sol miteux d’un immeuble. La nuit venue, Orsolya, une huissière de justice, lui donne une vingtaine de minutes pour plier bagage.

Kontinental '25 de Radu Jude
Kontinental ’25 de Radu Jude

Et c’est cette quarantenaire tiraillée entre l’ordre, la foi et la morale qui va désormais donner son tempo au film.  Dans une frénésie totale à disserter sur une Roumanie à deux vitesses, Radu Jude nous propulse de la préhistoire des dinosaures à l’hypercentre de Cluj, où les classes aisées se donnent bonne conscience à coups de dons caritatifs automatiques. Clin d’œil au Europa ’51 de Rossellini, le film dessine une héroïne en quête de sens, cette fois sans jamais lui offrir de véritable réconfort.

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Avec à ses trousses un nationalisme récalcitrant et l’avènement de l’ultra-capitalisme, Orsolya traverse une grande nuit de désillusions. Toujours à la lisière de l’absurde, Radu Jude n’a décidément pas son pareil pour raconter son pays en pleine dégringolade.