BERLINALE 2025 · Tilda Swinton : « J’ai décidé de faire une pause pour réfléchir et imaginer les quarante prochaines années. »

Au lendemain de son discours engagé en recevant le Golden Bear of Lifetime Achievement à la Berlinale, l’actrice britannique a répondu aux questions des journalistes lors d’une conférence de presse qui a pris des airs de masterclass. Erudite, réfléchie, douce et convaincante, Tilda Swinton nous a fait prendre de la hauteur. Morceaux choisis parmi ses sages paroles.


Berlinale 2025
Tilda Swinton © Brigitte Lacombe

« Trouvez votre tribu, faites-lui confiance et restez soudés. Je crois profondément que c’est ce que nous devons faire en ce moment. Nous devons croire en l’humanité des autres, même en dehors de notre cercle. Car si nous renonçons à cette conviction, si nous abandonnons, alors tout est perdu. Même lorsque les lignes semblent tracées, que le monde semble divisé entre un camp bienveillant et un camp malveillant, nous devons croire qu’il est encore possible de tendre la main, d’influencer, de transformer les esprits et les cœurs de ceux qui se trouvent de l’autre côté.

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Ce contre quoi nous luttons tous en ce moment, c’est ce sentiment d’impuissance, celui d’être démuni, incapable d’agir. Dans ce contexte, toute action qui nous donne un sentiment de force semble être une bonne option. Et je comprends parfaitement que, pour beaucoup, le boycott puisse apparaître comme l’acte le plus puissant à accomplir. En rentrant en Écosse lundi, je vais entrer dans une phase de ma vie que j’attends depuis 15 ans. Une période où je vais faire autre chose. Je ne peux pas encore dire exactement quoi, mais ce que je sais, c’est que je ne tournerai aucun film cette année. J’ai besoin de temps. Du temps pour développer des projets, certains pour le cinéma, d’autres non. Mais du temps avant tout. Comme nous le savons, le cinéma est une maîtresse impitoyable, et cela fait un moment que je vis sous son joug. 

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Depuis le Covid, tout est devenu frénétique. Avant, on pouvait prendre le temps. Lorsqu’un projet trouvait un financement, on pouvait négocier pour le développer encore quelques mois. Aujourd’hui, il faut se précipiter. « L’argent est là, il faut tourner immédiatement ! » Ce climat d’urgence, cette insécurité financière rendent tout plus intense, plus épuisant. J’ai donc décidé de faire une pause pour réfléchir et imaginer les quarante prochaines années. 

Si je devais résumer en un mot ce qui m’a toujours guidée : la connexion. C’est ce que je recherchais enfant, adolescente, étudiante. Puis, en devenant artiste, je l’ai trouvée grâce à Derek Jarman. Une connexion non seulement avec mes compagnons de cinéma, mais aussi avec le public, avec vous, journalistes. 

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Quelqu’un m’a récemment demandé ce que j’aurais fait si je n’avais pas rencontré Derek Jarman. J’ai pris cette question au sérieux, car je voulais répondre honnêtement. Et j’ai réalisé qu’il n’y aurait eu que deux alternatives : j’aurais été apprentie auprès d’un entraîneur de chevaux de course, ou bien j’aurais écrit sur le cinéma. J’ai une immense admiration pour l’écriture cinématographique. Nous en avons besoin, en tant que cinéastes et en tant que spectateurs. Nous avons besoin de critiques éclairées, d’analyses profondes, d’une connaissance de l’histoire du cinéma et de ses mouvements. J’attache beaucoup d’importance à ce dialogue entre cinéastes et critiques. »

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