
Source de fascination et objet de tous les fantasmes, ce « frère bâtard de l’information » – pour reprendre la formule de Roland Barthes – incarne la part maudite de la société et interroge notre rapport au destin. Insolite autant que tragique, le fait divers défie l’entendement et fascine par sa capacité à mettre en équilibre la banalité et l’anomalie, le quotidien et le singulier, la rationalité et le dysfonctionnement.
Conçue comme un jeu de piste qui donne libre cours à la spéculation, l’exposition établit des parallèles entre le mode opératoire d’un artiste et celui d’un enquêteur : établir des protocoles, échafauder des hypothèses, dresser des inventaires. Il s’agit aussi de réinventer le réel à partir de détails anodins, à l’instar de ce geste inquiétant du petit Grégory reconstitué en 3D par Xavier Boussiron. La scénographie s’agence autour d’un abécédaire – de A comme assassinat à Z comme zoom – et de cinq équations adossées à des axes thématiques. De la comptabilité d’Henri Landru à l’œilleton du docteur Petiot, de véritables pièces à conviction jalonnent ce parcours aux résonances mythologiques.

Si l’on est frappé de stupeur devant les reconstitutions de scènes de crime, comme les Assassinats en vidéo d’Absalon ou les maquettes lugubres de Corinne May Botz, on est pris d’un sourire crispé face aux terribles lettres d’enfants rédigées de la main d’Éric Pougeau, ou devant le film À trois tu meurs d’Ana Maria Gomes dans lequel des adolescents simulent leur propre mort devant la caméra. Entre les écritures en point de croix de La Brodeuse masquée, Le Suicide des objets de Philippe Ramette ou les photos d’ovnis de Claude Closky, l’absurde n’est pas en reste. Deux registres prédominent : l’empathie et l’humour noir, l’un n’étant pas incompatible avec l’autre. Et si les artistes, en sondant l’inconscient collectif, se révélaient plus perspicaces que des profilers ?