
Hasard du calendrier ou signe d’un élan commun à divers cinéastes originaires de l’île, Le Mohican poursuit l’exploration d’une mémoire, d’un territoire à part, longtemps réduits dans l’imaginaire collectif à certains éclairs de violence folklorique, mythifiée. Quelques mois après le récit d’un amour abrasif secoué par le nationalisme (À son image de Thierry de Peretti) et l’histoire magnifique d’une relation père-fille perdue d’avance (Le Royaume de Julien Colonna), ce thriller d’atmosphère sonne comme une nouvelle tragédie grecque, mais tournant le dos au romanesque.
Dans les pas d’un berger célibataire et taciturne (Alexis Manenti, menhir au regard insondable), les chèvres, le pittoresque et le soleil en bord de mer ouvrent le film pour mieux éclipser toute carte postale. Car ici le maquis, terrain de cache-cache à l’élégante photographie, est d’abord un lieu de compromis et de prédation galopante, et le littoral une cible pour la mafia locale, qui multiplie les projets immobiliers en sommant le berger de vendre sa parcelle. Pris en chasse, tueur malgré lui (avec un geste d’autodéfense audible mais invisible, annonçant des scènes de fusillades rares et sans emphase), le « Mohican », symbole d’une résistance sur les réseaux sociaux, étouffe sous la menace. Reflet d’une impasse mafieuse et sociale que le film de Frédéric Farrucci regarde droit dans les yeux.
Le Mohican de Frédéric Farrucci, sortie le 12 février, Ad Vitam (1 h 27)