Kompromat : « Faire des mélodies est déjà une forme de prière. »

[INTERVIEW] Avec « Playing / Praying », le duo Kompromat revient avec un disque mystique aux sonorités glacées. L’occasion pour Rebeka Warrior et Vitalic de décrypter les références ésotériques et la spiritualité païenne qui irriguent leur musique.


Kompromat-@Maxime_Ballestero
Kompromat © Maxime Ballestero

Votre première collaboration remonte à 2012 avec « La mort sur le dancefloor ». Finalement, il y avait déjà dans le titre de ce morceau les deux grandes thématiques de votre nouvel album…

Rebeka Warrior : C’est vrai qu’il y avait déjà tout : la mort et le dancefloor. Les trucs qu’on connaît bien, il faut insister, creuser son sillon. Moi, c’est sûr, je n’en ai qu’un…

Vitalic : Je me rends compte que tu me répètes la même chose depuis treize ans, en allemand, en anglais, en français.

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Dans ce disque, il y a beaucoup d’images et de textes qui ont trait au rituel. Est-ce que vous cherchez à retranscrire ça sur scène ?

R. W. : Complètement. L’arrivée sur scène se fait maintenant a capella. C’est très solennel, comme une sorte de litanie. Il y a ensuite des orgues qui résonnent, puis encore d’autres orgues, toujours plus d’orgues. Ça installe dès le départ l’atmosphère d’une messe païenne. Comme on parle beaucoup d’extase mystique dans ce disque, on voulait que ce live soit comme une grosse montée qui finit sur du bruit blanc. Et au milieu, il y a des éclats de miroirs qui forment en grand la lettre « K ». N’y voyez pas d’image particulière.

V. : Il y a toujours beaucoup de lasers, mais ils sont moins en avant comme c’était le cas sur le live précédent, pour des raisons légales un peu compliquées. On a aussi un peu plus d’éléments sur scène.

R. W. : Il y a plus de choses, mais ça reste assez minimal. Ce n’est pas la fête foraine non plus.

Rebeka, tu as une vraie obsession pour le minimalisme…

R. W. : J’ai un peu évolué parce qu’au départ je ne voulais même pas qu’il y ait de couleur dans Kompromat. À force de fréquenter des gens, je suis obligée de faire des efforts.

V. : Sur le premier live, tu voulais qu’on joue uniquement avec des lampes frontales…

R. W. : Ça se retrouve aussi dans l’écriture. Je ne fais pas de la chanson française ou des grandes phrases à la Feu! Chatterton. J’adore ce qu’ils font, mais j’ai un style d’écriture complètement opposé. Moi, j’écris deux phrases que je répète quarante fois en boucle, et le morceau est fini.

V. : C’est pareil dans la production. Par rapport au premier disque, on a beaucoup élagué. Il y a de moins en moins de sons. Sur le troisième album, il ne restera plus que quelques petits bips.

Kompromat
Couverture « I LET MYSELF GO BLIND » © Erwan Fichou & Theo Mercier

Il y a beaucoup de références à la spiritualité dans ce nouvel album. Est-ce que vous croyez en quelque chose ? Une idée, une force ?

V. : Moi, je ne crois pas aux dieux commerciaux.

R. W. : On est deux grands mystiques qui aimons l’ésotérisme. On dit souvent qu’on s’envoie des messages par télépathie. Donc oui, il y a une forme de croyance hyper forte. Assez pour qu’on en fasse un disque. C’est important de parler de spiritualité, du méta, sans être obligé de mettre un nom dessus. Je pense qu’on est plus libre que ça. Faire des mélodies est déjà une forme de prière.

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Vous parlez aussi des nouvelles technologies et d’I.A. Est-ce que cette spiritualité dont on parle est soluble dans le numérique et l’interconnectivité ?

R. W. : On peut vraiment faire un rapprochement entre la spiritualité, les mathématiques et la technologie. Il y a des grands mathématiciens qui s’amusent à démontrer l’existence de Dieu par le biais des chiffres. Donc pour moi ce n’est pas opposé du tout.

V. : Ça finit quand même souvent mal quand on se met à aimer les machines comme des êtres humains, voire comme des dieux. Ça me fait penser à la série Black Mirror, ou au film Her. Et à CARL qui prend le contrôle du vaisseau dans 2001, l’Odyssée de l’espace.

R. W. : Il y a aussi un film, dont j’ai oublié le nom, sur une maison toute informatisée qui finit par prendre le contrôle de son propriétaire et viole sa femme avec un combiné téléphonique ou quelque chose du genre [il s’agit de Demon Seed de Donald Cammell, sorti en 1978, ndlr]. J’en ai un souvenir affreux. Mais, en vérité, je n’ai pas vraiment peur pour l’avenir. Tout ça n’arrivera pas. Je suis tellement dans l’humain que je me dis qu’on ne craint pas grand-chose.

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Playing / Praying de Kompromat (Warriorecords)