P.-D.G. d’une entreprise de robots, Romy (Nicole Kidman) a tout sous contrôle : un mari aimant (génial Antonio Banderas), deux filles, un grand appartement en ville, une maison à la campagne. L’arrivée de Samuel (Harris Dickinson, tout aussi fort), un stagiaire, cristallise et lui permet d’assouvir ses fantasmes de soumission inavoués…
Entre le cynisme d’un Basic Instinct (1992) ou un manuel de SM programmatique à la Cinquante Nuances de Grey (2015), et avec son titre suggestif, le film de Halina Reijn (Instinct. Liaison interdite, 2019 ; Bodies Bodies Bodies, 2022, jamais sortis dans nos salles) suscitait en nous quelques a priori. Jouant de ce marketing provoc, Babygirl se révèle passionnant. Tout en intégrant avec naturel les acquis de MeToo, il dévale sur les pentes de l’ambigu et assume une vulnérabilité, contre un prêt-à-penser simpliste.
Sans la remettre en cause, il questionne une forme d’automatisme dans l’exigence d’une exemplarité, privée comme professionnelle. Dans le décor de l’entreprise, teintes neutres et bureaux vitrés, il raconte aussi la persistance d’un plafond de verre – une brillante employée de Romy continue de lui demander une augmentation sans l’obtenir, preuve que même une dirigeante peut reproduire des dynamiques de pouvoir injustes.
Mélange de douceur et de férocité, cette héroïne complexe (dont le désir est titillé à la vue de Samuel maîtrisant un chien dangereux dans la rue) captive de bout en bout, dès une séquence inaugurale où elle feint l’orgasme.
Représentant le sexe dans ce qu’il a d’animal et de maladroit, laissant échapper des râles plutôt que des cris factices, le film donne à une actrice hollywoodienne de plus de 50 ans un rôle tout sauf cliché – en écho au méta The Substance, avec Demi Moore, on pense forcément à la filmographie osée de Kidman, mais aussi aux critiques qu’elle a essuyées concernant ses opérations supposées de chirurgie plastique. Ici, pas de sang qui gicle, mais des bugs qui font dérailler un système beaucoup trop rodé, pour un résultat fascinant.
Babygirl d’Halina Reijn, SND (1 h 54), sortie le 15 janvier