« Chanson triste » de Louise Narboni

Louise Narboni (Après un rêve, Les Grands fantômes…) récrée la relation qu’ont réellement vécu ses acteurs, une chanteuse lyrique française et un poète afghan persécuté dans son pays. Un docufiction à la poésie lancinante et visible gratuitement pendant un an, à l’occasion de la première édition du BBC Longshots Festival. Monteuse, scripte-musicale, et surtout réalisatrice


zmewnwy0zjitngyymi00nmq2ltk2mzytn2vkyzdhn2zmote0 image w1280

Louise Narboni (Après un rêve, Les Grands fantômes…) récrée la relation qu’ont réellement vécu ses acteurs, une chanteuse lyrique française et un poète afghan persécuté dans son pays. Un docufiction à la poésie lancinante et visible gratuitement pendant un an, à l’occasion de la première édition du BBC Longshots Festival.

Monteuse, scripte-musicale, et surtout réalisatrice de films tournant souvent autour de la musique et de la danse, Louise Narboni compose son film (produit par la jeune et prometteuse société Melodrama et qui a obtenu plusieurs prix au FID Marseille 2019) comme une mélodie que les interprètes, ses amis, pourront se ressasser lorsqu’ils voudront se replonger dans leurs souvenirs. Une petite musique qui ressemble à celle du cinéma de Guy Gilles, avec les mêmes personnages en fuite, ou aux films de Jacques Demy, avec leurs chansons qui font sourdre la violence du monde avec lyrisme mais sans sensiblerie.

Avec tact, la cinéaste revient sur le lien qui a uni Ahmad, un artiste afghan réfugié en France à cause des talibans qui s’en sont déjà pris à sa famille, et Elodie, une musicienne qui a accompagné celui-ci dans ses démarches pour demander l’asile politique. La relation est ambivalente : Ahmad aimerait qu’elle devienne sa femme, mais Elodie se voit plus comme sa marraine. Fiction intimiste, documentaire social, le film s’avance surtout comme une lettre d’amour ou d’amitié dans laquelle les protagonistes autant que la réalisatrice semblent se confier les uns aux autres en rejouant ce qu’ils ont déjà éprouvé. La reconstitution prend même parfois une valeur cathartique, lorsqu’Ahmad dit que se rappeler de moments liés à sa famille en Afghanistan dans le cadre du tournage lui permet de maîtriser sa douleur.

Dans son montage, la cinéaste a laissé ses interventions entre les prises, les « action », les « coupez », manière d’assumer que toute recherche du temps perdu est une remise en scène. Mais par un regard saisi furtivement, un geste tendre filmé accidentellement, une expression de visage inattendue, le cadre fictionnel se fissure, la vérité des sentiments surgit quand la dureté quotidienne de ce que vit Ahmad en tant que migrant perce chaque plan. Alors qu’on apprend qu’il a quitté l’aventure en plein tournage, déçu que son amour pour Elodie ne soit pas réciproque, on peut sentir toute la mélancolie d’un lien défait, qui se renoue symboliquement à travers ce film.

Chanson triste de Louise Narboni : cliquez sur le lien pour voir le film.

Image de couverture : (c) Melodrama