Critique: « Une Fille facile »

C’est l’été à Cannes. Entre la plage, les yachts et l’appartement familial, Sofia (Zahia Dehar) prend sous son aile sa cousine Naïma (Mina Farid), illuminant un récit initiatique plus complexe qu’il n’y paraît. Parvenue à séduire le propriétaire fortuné d’un yacht, Sofia se dirige vers les cabines en contrebas sous le regard de Naïma, sa


C’est l’été à Cannes. Entre la plage, les yachts et l’appartement familial, Sofia (Zahia Dehar) prend sous son aile sa cousine Naïma (Mina Farid), illuminant un récit initiatique plus complexe qu’il n’y paraît.

Parvenue à séduire le propriétaire fortuné d’un yacht, Sofia se dirige vers les cabines en contrebas sous le regard de Naïma, sa jeune cousine. Elle descend les escaliers puis s’exclame: «Je ne savais pas qu’il y avait un étage en bas !» Si la réplique sonne comme une blague, elle reflète l’aisance de Sofia à pouvoir passer, sans complexe, d’une strate sociale à une autre. Figure libertaire à la sensualité débordante, Sofia mène la mise en scène de ce film rythmé par son goût pour les va-et-vient. Ceux-ci ne sont d’ailleurs pas ceux que l’on croit, car de sexe il est peu question dans Une fille facile. C’est que la «facilité» dont jouit Sofia se rapporte plutôt à son hédonisme en mouvement, se fondant à l’envi partout où elle le désire. Multipliant les allers-retours entre le haut et le bas, le dedans et le dehors, sans jamais que la topographie de son film ne s’avère totalement figée, Rebecca Zlotowski (Grand central, Planétarium) trouve dans les alentours escarpés de Cannes un terrain de jeu idéal.

Des yachts s’entassent en bas d’un port quand de petits appartements forment des nids d’aigles où l’on peut se couper du monde; un carré V.I.P. est surélevé en boîte de nuit quand les cabines privées se terrent au-dessous des bateaux; on grimpe vers une villa surplombant la Méditerranée puis l’on en redescend aussitôt. Aux côtés de cette «fille facile», difficile de distinguer les classes les unes des autres : Sofia s’y meut trop aisément, elle trouble les lignes. Le récit initiatique de sa cousine tient donc en ce qu’elle finit par emprunter ces circulations. Au début du film, Naïma regarde sa mère prendre le funiculaire du bas en haut d’une luxueuse résidence de vacances dans laquelle elle travaille. Plus tard, la jeune fille l’emprunte à son tour dans le sens inverse, vers le restaurant où elle s’apprête à dîner avec de riches vacanciers. Rien de définitif : il fallait simplement que Naïma goûte elle aussi à l’indolence du luxe avant de choisir sa propre voie. Soit descendre d’un étage pour mieux remonter la pente.

Une fille facile de Rebecca Zlotowski, Ad Vitam (1h31), sortie le 28 août
Image: Copyright Julian Torres/Les Films Velvet