ENTRETIEN : Kyle MacLachlan, à double tranchant

Invité du Champs-Élysées Festival, où il a présenté la saison 3 de Twin Peaks de David Lynch et Showgirls de Paul Verhoeven, le génial Kyle MacLachlan est revenu pour nous sur sa vie et sa carrière en évoquant son attirance pour les personnages doubles, incasables. Rencontre avec cet acteur qui, derrière son évidente modestie, a


Invité du Champs-Élysées Festival, où il a présenté la saison 3 de Twin Peaks de David Lynch et Showgirls de Paul Verhoeven, le génial Kyle MacLachlan est revenu pour nous sur sa vie et sa carrière en évoquant son attirance pour les personnages doubles, incasables. Rencontre avec cet acteur qui, derrière son évidente modestie, a toujours su faire des choix pleins d’audace.

Vous avez débuté à l’écran en incarnant des personnages troubles (Dale Cooper dans Twin Peaks, Jeffrey Beaumont dans Blue Velvet). Était-ce une manière de casser l’image sage que vous pouviez dégager après vos expériences de jeune comédien de théâtre ? 

Je suis encore un homme sage ! Même si je ne suis plus très jeune … Je crois surtout que j’ai toujours été curieux d’explorer les motivations de personnages que je n’apprécie pas. C’est la beauté du métier d’acteur que d’être capable de se placer hors de soi, de porter d’autres énergies, émotions, ou attitudes différentes. Je me suis toujours identifié aux personnages doubles, ceux qui sont à la fois des héros et des méchants. Et quand je joue Mr. C. ou ce genre de personnages dangereux, je n’essaie pas d’en faire des adversaires mais de trouver un germe d’humanité en eux. Certains spectateurs m’ont dit que, lors de la scène du bras de fer, ils ont ressenti de l’empathie pour le personnage de Mr. C. Je suppose qu’ils avaient en même temps peur de lui, mais ils se sont surpris à le soutenir pour qu’il gagne ! Il est soudainement devenu cool, et j’ai trouvé ça vraiment inattendu. 

Dans Desperate Housewives ou Sex and The City,
vos seconds rôles – des époux bourgeois qui sortent de leur cadre en dévoilant
une part sombre ou loufoque de leurs personnalités – ont la particularité
d’être marquants malgré leur côté a priori effacés. Comment avez-vous composé
ces personnages ?

Je suis probablement plus proche d’eux dans la vie – plus
les années passent, plus je deviens ennuyeux ! Mais là encore, pour jouer
Trey
ou Orson [le mari de Bree dans les saisons 2 à 8 de Desperate
Housewives, ndlr], j’ai dû altérer ma propre réalité. Dans Sex and
The City
, on parle avant tout de l’aventure d’une femme. Mon personnage
était là pour produire un effet sur elle et voir comment elle évolue face à une
situation. Pour ma part, j’ai réalisé à un moment qu’il y avait une part
importante de moi dans ce personnage. Ce que j’ai aimé c’est ce contraste entre
l’image qu’il renvoyait et ce qu’il était, ce qu’on sent dans son rapport avec
sa mère, Bunny [dans la série, Trey a une relation fusionnelle avec sa mère,
qui garde un œil sur ses moindres faits et gestes, ndlr
]. J’ai trouvé cette
relation très intéressante.

Twin Peaks convoque beaucoup de mythes. Est-ce qu’il y en a qui vous
ont marqué depuis votre enfance ?

Pas vraiment. J’ai grandi dans une petite ville, à Eastern Washington, pas loin d’un théâtre communal où on allait tout le temps avec ma famille. Mes parents étaient des gens formidables, très créatifs. Mon père était coursier en bourse et ma mère institutrice. L’idée d’être acteur, d’en faire une carrière n’était pas quelque chose d’évident. Et pourtant, mes parents m’ont permis de vivre de cette passion alors qu’eux n’avaient pas eu cette opportunité pendant leur jeunesse. Avec mes deux frères, ils nous ont beaucoup protégés. Je me souviens qu’à la maison, on regardait pas mal de films Disney, notamment Un amour de coccinelle de Robert Stevenson avec Dean Jones. Et je me souviens de la fois où, au lycée, j’ai découvert Les Trois Mousquetaires de Richard Lester. C’était vraiment génial, comme un échappatoire. Les films m’ont toujours permis de m’évader.

Dans vos
interviews, le terme d’ « alchimie » revient assez souvent pour
décrire votre relation avec David Lynch, qui lui aussi a grandi dans une petite
ville américaine. Qu’est-ce qui fait que ça marche entre vous ?

 Depuis
notre collaboration sur Dune en 1983, on a une relation très spéciale.
Il y a quelque chose d’agréable, un côté intuitif. En tant qu’acteur, j’essaie
toujours d’entrer dans l’espace-temps du personnage. David est lui aussi très
attaché à cette idée et il est toujours très précis. Quand j’ai lu le scénario
de Blue Velvet – c’est le deuxième scénario que j’ai lu dans ma vie –,
j’ai trouvé ça dérangeant, différent, excitant. Cette histoire autour de ce
jeune homme, Jeffrey Beaumont, qui se noie dans un monde parallèle m’a
tellement fasciné que je me suis moi aussi baigné dedans.

Quel est
votre rapport au cinéma français ?

Je suis un grand fan de Jean Reno. J’aime tout ce qu’il fait, Léon comme Les Visiteurs. Il est très doué, charismatique, puissant. Dans Léon de Luc Besson, il me fait penser à Dougie Jones dans la relation qu’il entretient avec l’enfant joué par Natalie Portman et le fait qu’il se transforme d’un coup en tueur qui ne laisse jamais envahir par ses émotions. C’est un personnage vraiment complexe, ça explique sa popularité.

: Champs-Elysées Film Festival

Jusqu’au 26 juin

Crédit photo : Gage Skidmore