Rarement une œuvre de cinéaste aura, comme celle de Wang Bing, si patiemment travaillé à sauvegarder la mémoire d’un peuple. Depuis son chef-d’œuvre inaugural, À l’ouest des rails (sur le démantèlement d’un site industriel colossal, sorti en France en 2004), jusqu’à ce nouveau documentaire, les films de cet infatigable archiviste explorent les marges et les fosses de la Chine à la recherche des fantômes qui la surpeuplent. Dans Les Âmes mortes, à travers les témoignages d’une poignée de rescapés, le documentariste retrace l’épisode méconnu des camps de rééducation par le travail de Jiabiangou et de Mingshui dans les années 1950, en plein désert de Gobi, où gisent encore les ossements de milliers d’intellectuels suspectés à tort par le régime maoïste d’avoir eu des idées d’ultradroite. On y voit les frères et les femmes des victimes évoquer non seulement leurs conditions de détention, mais surtout qui ils étaient. Si bien qu’il ne faut pas moins de huit heures à ce film exigeant pour faire son office, laissant les descriptions s’épancher, comme si chaque parole rendait un peu de durée à ces vies interrompues trop tôt auxquelles Wang Bing offre ici une belle sépulture.
:de Wang Bing
Les Acacias (8 h 26)
Sortie le 24 octobre