Rencontre tout en corps avec Laure Calamy

À la voir haletante, les joues roses, à la porte du café du XIe arrondissement dans lequel on l’attend, on se dit que Laure Calamy vient de faire un sacré sprint. Mais quand elle nous lance, pleine de vigueur et d’entrain, qu’elle habite littéralement la porte à côté, on comprend que c’est en fait simplement


À la voir haletante, les joues roses, à la porte du café du XIe arrondissement dans lequel on l’attend, on se dit que Laure Calamy vient de faire un sacré sprint. Mais quand elle nous lance, pleine de vigueur et d’entrain, qu’elle habite littéralement la porte à côté, on comprend que c’est en fait simplement son tempérament, de vivre sous adrénaline. Née en 1975 d’une mère infirmière et d’un père médecin, elle a compris, dès son enfance passée en banlieue d’Orléans, qu’elle aimait l’action. « On me disait que j’étais un “garçon manqué” – cette expression atroce –, parce que j’étais pas du tout dans les stéréotypes féminins. J’étais casse-cou, mes parents me laissaient faire des trucs plutôt risqués. » Adolescente, elle continue de s’extérioriser.

« J’ai fait du karaté, du kung-fu, de la boxe thaï… J’ai besoin de me dépenser. Je suis comme un clébard : il faut qu’on me sorte. » À 18 ans, elle monte à Paris et canalise son énergie au Conservatoire. Quand elle en sort, elle joue pour des metteurs en scène réputés: Olivier Py, Jean-Michel Ribes, Pauline Bureau… C’est là qu’elle affûte sa gestuelle, son sens de l’espace. « Mon corps est très important, c’est un endroit d’expérimentation, un champ de bataille, où je fais surgir du sens. Je recherche aussi un état d’inconscience. » Après quelques apparitions au cinéma, elle est révélée en 2012 dans l’ultrasensible Un monde sans femmes de Guillaume Brac, dans le rôle d’une mère exubérante qui embarrasse sa fille pendant leur été dans une station balnéaire. Face à elle, Vincent Macaigne, qu’elle a rencontré au Conservatoire et qui lui a présenté le réalisateur. Après une flopée de courts métrages et de petits rôles (dans Fidelio. L’odyssée d’Alice, Ce sentiment de l’été…) on redécouvre Laure Calamy l’an dernier en naturopathe perchée dans Rester vertical d’Alain Guiraudie.

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Sans gêne

Avec ses grands yeux bleus, son air juvénile et son large sourire communicatif, Laure Calamy incarne souvent des figures délurées : mère séductrice – dans Un monde sans femme ou, plus récemment, dans Ava de Léa Mysius – ou bonne copine célibataire – son rôle d’assistante folle amoureuse de son boss dans la série Dix pour cent. Outre la drôlerie de ses personnages, qu’elle façonne par sa maîtrise du rythme, des mimiques et de la gestuelle, elle excelle aussi à dévoiler leurs fêlures. Comme dans une scène troublante de Bonheur académie d’Alain Della Negra et Kaori Kinoshita dans laquelle elle laisse sourdre le mal-être de son personnage au milieu d’un stage organisé par Raël. Avide d’expériences, Laure Calamy a tourné le film dans un authentique séminaire du gourou. « Le premier jour, une fille a débarqué à la cantine et a regardé tout le monde en disant : “Je vous aime.” Là, j’ai fait une vieille crise d’angoisse. Mais, à part quelques gens perchés, c’est plutôt un truc post-babos, une manière d’être ensemble. »

Parfois sans trop de vêtements, comme dans la scène finale, qui rappelle la propension de l’actrice à jouer nue. « Je me sens très vite à l’aise. La nudité raconte quelque chose de primitif, ça transcende les époques, c’est universel. » Dans une scène onirique d’Ava, elle apparaît jambes écartées sur un comptoir. « J’ai proposé à Léa qu’on voit un peu plus que les poils pubiens, que la vulve apparaisse, dans un état un peu premier. Elle était trop contente, elle a carrément cadré le sexe au centre du plan ! Je trouve ça génial, c’est presque politique. » Laure Calamy vient de donner la réplique à Catherine Deneuve chez Julie Bertuccelli et sera une trans lesbienne dans la nouvelle pièce d’Olivier Py. Quand elle a un peu de temps libre, il faut quand même qu’elle aille s’ébrouer. « Mon ami habite dans le sud de la France, j’adore aller marcher en montagne là-bas. C’est vrai que, parfois, j’ai des tunnels de travail, ça ne s’arrête pas pendant des mois. Mais j’ai toujours de l’énergie, parce que ça me passionne. C’est galvanisant, comme de la drogue. Une super drogue. » C’est exactement l’effet qu’elle nous fait.

«Ava» de Léa Mysius Bac Films (1 h 45)
« Bonheur académie » d’Alain Della Negra et Kaori Kinoshita Épicentre Films (1 h 15)