Au bout du
monde est l’un de vos rares films échappant au cinéma de genre. Cela
change-t-il votre approche ?
Dans les films de genre, il y a toujours
deux réalités qui se succèdent et se répondent :
celle dans laquelle vit le personnage au quotidien, et celle de l’inconnu qui
vient menacer ce quotidien. Dans Au bout du monde, au contraire, on
suit l’héroïne du début à la fin, sans avoir accès à ce qui se passe à l’insu
de son regard. Ce qu’elle ne sait pas, je ne le montre pas. C’est une manière
différente de raconter une histoire.
Dans le film, ce n’est pas la culture ouzbèke qui est menaçante, mais l’héroïne qui se sent menacée. Faut-il y lire une critique de la société japonaise ?
Je n’emploierais pas forcément le mot de critique, et je ne pense pas que ça ne s’applique qu’aux Japonais. Généralement, quand on se retrouve face à un peuple dont on ne comprend pas la langue, notre première réaction est d’éprouver de la peur, voire de l’hostilité. Comment aller vers l’inconnu ? Comment dépasser cette angoisse ? C’est une question qui me taraude en tant qu’homme et cinéaste.
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L’autre question que formule Yoko dans le
film, c’est : « Que désires-tu vraiment ? » Vous doutez
toujours quand vous tournez ?
Cette réplique n’était pas dans le scénario, elle m’est venue en tête juste avant de filmer la scène. On était au milieu du tournage, et je commençais à me demander ce que je faisais là, dans ce cadre si différent de celui que je connais à Tokyo. Inconsciemment, je l’ai fait dire au personnage. Sur un tournage, je ne dois surtout pas révéler mes doutes aux acteurs et aux techniciens. Mon boulot, c’est de rassurer tout le monde.
Au bout du monde de Kiyoshi Kurosawa, Eurozoom (2 h), sortie le 23 octobre
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