Elle est scénariste, journaliste, chroniqueuse pour le journal Libération et écrivaine. Son livre Noire. La vie méconnue de Claudette Colvin, d’abord adapté en bande dessinée, est transposé au théâtre par le metteur en scène Stéphane Foenkinos. C’est Tania de Montaigne elle-même qui interprète son texte, seule sur scène.
Qui était Claudette Colvin?
Elle est toujours vivante, elle vit à New York et fêtera ses 80 ans en septembre. Quand elle avait 15 ans, en 1955, cette adolescente noire américaine a bravé les lois ségrégationnistes d’Alabama qui visaient à créer une séparation entre les Blancs et les Noirs. De retour du lycée, elle a refusé de céder sa place dans un bus à un homme blanc. Elle a fait de la prison pour ça.
Comment as-tu entendu parler d’elle?
C’est en faisant une recherche sur Rosa Parks, une militante des droits civiques très connue pour avoir fait la même chose – refuser de laisser son siège à un Blanc dans un bus – que j’ai découvert son existence. J’ai pris quelques notes, mais ce n’est que des années plus tard, quand on m’a proposé d’écrire pour la collection littéraire «Nos héroïnes», que j’ai repensé à elle.
Pourquoi elle plus qu’une autre?
Elle correspondait parfaitement au propos de cette collection, qui propose de découvrir une femme que l’on ne connaît pas alors qu’on aurait toutes les raisons de la connaître. Cela arrive beaucoup aux femmes: on oublie le rôle qu’elles ont joué, puisque l’histoire a souvent été écrite par des hommes.
Qu’est-ce que ça t’a fait de découvrir sa vie?
Sa vie m’intéressait, mais je voulais aussi réfléchir à la manière dont on fabrique une héroïne: pourquoi a-t-on retenu le nom de Rosa Parks et pas celui de Claudette Colvin?
Comment tu as adapté le livre en pièce de théâtre, et quel rôle joues-tu?
C’est le metteur en scène Stéphane Foenkinos qui s’en est chargé. Il l’a surtout coupé – on est passés d’environ 160 pages à 30 pages. Mais rassure-toi, je n’interprète pas Claudette Colvin avec une perruque et des lunettes. Je joue mon propre rôle, en racontant son histoire aux spectateurs, qui grâce à la mise en scène sont plongés dans l’Alabama des années 1950.
Quels sont pour toi les avantages et les inconvénients d’être seule sur scène?
Les avantages, il doit y en avoir, mais je ne les connais pas: j’ai perdu l’habitude d’apprendre un texte par cœur. Toi, tu es en cinquième, c’est ton quotidien, mais quand on est adulte, à moins d’être comédien ou comédienne, on oublie cette discipline.
Tu aimes être sur scène?
La première fois, lors d’une sorte de répétition générale, avant de monter sur scène, Stéphane Foenkinos me dit: «Fais simple, mais pense bien à ne pas fixer quelqu’un dans la salle et à balayer le public du regard.» Et là, à peine sur scène, j’ai été prise d’une paralysie: impossible de tourner la tête du côté gauche. Je ne l’ai pas très bien vécu.
Ça va mieux, maintenant?
La deuxième fois, il y avait une association de jeunes migrants dans la salle. C’était très touchant, car pour la plupart ils n’étaient jamais allés au théâtre de leur vie. À l’issue de la représentation, l’un d’eux a dit: «Je crois que je veux écrire des pièces de théâtre.» Eh bien, ça m’a donné envie de continuer. Le théâtre permet ce genre de choses. Pour moi, c’est essentiel qu’il y ait des rencontres, des ateliers avant ou après le spectacle. «
«Noire», jusqu’au 30 juin au Théâtre du Rond-Point, dès 12 ans
PROPOS RECUEILLIS PAR ADÈLE (AVEC CÉCILE ROSEVAIGUE)
PHOTOGRAPHIE : PALOMA PINEDA