« I am not a witch. » Cette phrase, la petite Shula ne la prononce jamais dans le film. Se focalisant surtout sur l’agitation autour de la fillette quasi muette – elle ne trouve pas les mots pour se défendre contre ceux qui l’accusent, pour des faits pas du tout avérés, de sorcellerie –, la réalisatrice Rungano Nyoni se concentre aussi sur ses regards. Perplexes, sidérés, apeurés, ou teintés de mépris, ce sont eux qui guident le spectateur, qui l’aident à mieux saisir la place complexe des « sorcières » dans la société zambienne. Celles-ci sont mises au ban et exploitées pour leurs supposés pouvoirs magiques. Quant au gouvernement, il encadre ces femmes, notamment pour juger des procès populaires, et il se sert volontiers d’elles à des fins bassement lucratives – dans le film, on vend par exemple des œufs à l’effigie de Shula. Ce sont surtout ces représentants publics que le film brocarde, avec nuance et ambiguïté, comme dans cette séquence cocasse où le ministre du Tourisme et des Croyances populaires (sic) fait preuve d’une mauvaise foi évidente en se défendant de tirer profit du statut de Shula. Discrètement, la réalisatrice instille ainsi un humour subtil et ravageur, qui donne paradoxalement plus de résonance au caractère tragique de la trajectoire de la petite sorcière.
de Rungano Nyoni Pyramide (1h34)
Sortie le 27 décembre