Bourgeois engoncé dans ses valeurs étriquées chez François Truffaut, voyeuriste décontracté et impertinent chez Jean Eustache… On vous propose de (re)découvrir, en trois films, le talent et l’élégance sans faille du grand Michael Lonsdale, qui nous a quittés ce lundi à l’âge de 89 ans.
Une sale histoire de Jean Eustache (1977), dispo sur la chaîne viméo de Cineticle
« Par-delà le concept, l’histoire racontée, les mots utilisés sont à tomber par terre. C’est tellement loin de ce qu’on peut trouver dans le cinéma actuel qu’il faut le voir. » Dixit Gaspar Noé qui nous a conseillé, à l’occasion de la semaine spéciale que nous lui consacrons, ce malicieux diptyque qui brouille les frontières entre documentaire et fiction. Dans ce film à trous, Michael Lonsdale se met doublement en scène, à la fois dans son propre rôle mais aussi dans celui, inventé, de Jean-Noël Picq. Dans le décor d’un salon parisien, l’acteur incarne un voyeuriste qui raconte ce qui lui plaît dans le fait d’observer des gens dans les toilettes d’un café. Méta et ludique, libre et mystérieux, drôle et impertinent, ce film s’amuse à susciter chez le spectateur un trouble – en observant celui qui regarde, ne serait-il pas voyeur, lui aussi ? – tout en questionnant la distanciation au réel qu’impose le cinéma. Si l’objet peut sembler rebutant du fait de sa narration complexe, l’incroyable performance de Michael Lonsdale, tout en décontraction élégante et malicieuse, nous accroche au récit du début à la fin.
Le film est disponible sur la plateforme Tënk.
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Baisers volés de François Truffaut (1968), dispo sur Netflix
India Song de Marguerite Duras (1975), dispo sur Filmo TV
Quand la diction parfaite de Michael Lonsdale rencontre encore une fois la voix grave de Delphine Seyrig, cette fois sur la prose de Marguerite Duras, cela donne India Song, drame nébuleux resté gravé dans les mémoires pour son montage labyrinthique et son mixage sonore si particulier – différentes voix-off commentent l’action, dans une désynchronisation entre son et image. Michael Lonsdale y interprète un vice-consul disgracié, courtisant Anne-Marie Stretter, l’épouse d’un ambassadeur de France dans l’Inde britannique des années 1930. Le temps d’une soirée à Calcutta, ces deux âmes esseulés se croisent puis se perdent au carrefour de miroirs et de couloirs interminables, comme deux fantômes pas tout à fait prêts (ou trop écorchés par la vie) pour s’aimer. « Il est tout à fait inutile qu’on aille plus loin vous et moi. Les histoires d’amour, vous les vivez avec les autres. Nous n’avons pas besoin de cela », lance le vice-consul de Lahore à Anne-Marie Stretter. Visage impassible, timbre inébranlable, corps raidi dans un costume blanc : l’acteur incarne une sorte de présence-absence, et son apparent flegme sophistiqué cache un désespoir déchirant.
Le film est disponible sur Filmo TV.