Le film du soir : « Habemus papam » de Nanni Moretti

Entre guignol et Tchekhov, Habemus papam de Nanni Moretti (à voir gratuitement en replay sur le site d’ARTE jusqu’au 19 avril) est un bijou de mélancolie amusée, servi par la prestation exceptionnelle de Michel Piccoli. C’est donc tout naturellement qu’on l’a choisi comme film du soir. Encore sous le coup de son Scud envoyé à


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Entre guignol et Tchekhov, Habemus papam de Nanni Moretti (à voir gratuitement en replay sur le site d’ARTE jusqu’au 19 avril) est un bijou de mélancolie amusée, servi par la prestation exceptionnelle de Michel Piccoli. C’est donc tout naturellement qu’on l’a choisi comme film du soir.

Encore sous le coup de son Scud envoyé à la face du berlusconisme avec Le Caïman en 2006, on avait peut-être oublié le Moretti mélancolique, observateur subtil des atermoiements de l’âme. Stupeurs et tremblements que de le voir donc prendre pour cible le Vatican, en la personne d’un hypothétique pape victime d’une dépression incurable. Au lendemain de son élection, ce dernier, pris d’angoisse, s’enferme dans ses appartements, refusant toute apparition publique et laissant ainsi une foule de cardinaux et de fidèles en plein désarroi.

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© Le Pacte

 

Si le sujet se veut dramatique, inutile de craindre un quelconque abandon à l’austérité chez le Woody Allen transalpin. En faisant du palais des Papes le théâtre guignolesque d’une crise de foi contagieuse, Nanni Moretti use allègrement de son art sarcastique pour tirer gentiment à boulets rouges sur l’institution pontificale et sa cour. Mais sa justesse à singer le camp adverse, celui d’un psychanalyste (qu’il incarne, en toute logique, lui-même) appelé à la rescousse du Pape mais tout aussi impuissant à pallier à ses doutes existentiels, prouve un choix catégorique d’équité chez l’auteur. Le film se veut certes laïc, mais il ne cède jamais pour autant à l’anticléricalisme primaire.

 

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© Le Pacte

 

Puis l’ambiance d’opéra-bouffe du film faiblit progressivement pour dériver vers la quête introspective du Pape. Après la caricature, l’indécision et l’errance, le théâtre de Tchekhov s’invite (littéralement) sur scène et parasite la légèreté ambiante de ses désillusions. Telle La Mouette du dramaturge russe, le Pape Melville s’érige contre un destin tout tracé par le déterminisme. Le sujet d’Habemus Papam, plus qu’un portrait critique d’une dépression papale et (par extension) nationale, se veut alors parabole et n’a que faire du symptôme à incriminer. Admirablement habité par Michel Piccoli (au point d’apparaître comme une évidence de casting), ce souverain pontife symbolise le Doute universel fait homme.

 

Habemus

© Le Pacte

Au-delà de toute charge contre un système, Moretti donne à son pape la solitude d’une star, expulsée de sa tour d’ivoire à force de sollicitations publiques. Michael Jackson, Amy Winehouse, le pape de Moretti : même combat pour de simples épaules humaines surchargées par le prestige. Habemus Papam, malgré ses airs faussement classiques, témoigne d’une modernité insoupçonnée chez son auteur, qui signe peut-être là son plus beau film.

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Image de couverture : © Le Pacte