États-Unis, début du XXe siècle. Bill (Richard Gere) fuit Chicago pour les prairies du Texas avec sa jeune sœur, Linda (Linda Manz), et sa petite amie, Abby (Brooke Adams), qu’il fait passer pour son autre sœur. Embauchés à la saison des moissons dans une ferme isolée, ils vont esquisser un plan pour sortir de leur misère: Abby séduira le jeune propriétaire des terres (Sam Shepard), gravement malade, et dont les jours sont comptés… Pendant sa première heure, Les Moissons du ciel se déploie d’un seul mouvement, tel un poème sans strophe, ample et harmonieux. Terrence Malick filme la nature et les hommes comme les termes d’une même équation divine: rien n’est métaphore dans la danse du vivant, mais tout se répond par des voies mystérieuses. Ce sont les «jours de paradis» du titre original (Days of Heaven), qui se poursuivent après l’été, quand la petite communauté se recompose (Abby tombe amoureuse du fermier) et que chacun profite d’un trompeur repos de l’âme.
“Le diable est là, il rigole. Il est content quand les gens font le mal. Puis il les envoie dans la fosse aux serpents“, commente Linda de sa voix éraillée. La chute aura lieu sous la forme d’une invasion de sauterelles – un fléau biblique. À ce moment précis, le regard de Malick se transforme: il s’arrête sur plusieurs d’entre elles, dans une série de gros plans inquiets, comme s’il observait des êtres venus de l’espace. Le naturalisme laisse soudain place au présage, et les sauterelles envahissent chaque plan, obligeant la caméra à adopter des angles bizarres, comme cette contre-plongée sur Linda donnant de furieux coups de tapette aux insectes, ou ce travelling circulaire autour d’un feu dans lequel on les jette par paniers. Une funeste panique s’est emparée des hommes et des bêtes, et la nature elle-même change de visage, ravagée de taches noires, avant de s’embraser. Les jours d’enfer ont commencé.
Les Moissons du ciel de Terrence Malick, ressortie en version restaurée le 17 juillet (Solaris, 1h34).
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