Comment Emmanuel Macron a-t-il tenté de renouveler la représentation politique à l’Assemblée lors de son arrivée au pouvoir en 2017 ?
Durant sa campagne pour l’élection présidentielle, Emmanuel Macron a largement dénoncé l’entre-soi d’une certaine caste politique et la nécessité de déverrouiller le système. Il a bousculé les « professionnels de la politique » en accédant au pouvoir et en faisant élire à l’Assemblée des gens issus de son mouvement La République en marche ! avec des parcours variés. Le Palais Bourbon s’est rajeuni, féminisé. Mais il s’est aussi rempli de personnes qui n’avaient aucune expérience de la députation ou du militantisme et qui n’ont pas réussi à s’imposer : il leur manquait des savoirs utiles et des connaissances spécifiques. Ces personnes se sont aussi autoexclues car, confrontées au réel, elles n’ont pas apprécié le fonctionnement de la vie politique, sa dureté, son intensité, son cynisme. La plupart ont finalement été cantonnées à un travail ingrat ou reléguées au second plan.
Qu’est-ce que cela dit de notre système politique ?
Si l’on veut changer la manière de faire de la politique, il ne faut pas simplement changer les visages ; il faut aussi changer les règles du jeu. Non seulement l’arrivée de ces novices n’a pas eu l’effet escompté, mais elle a aussi pu renforcer les tendances présidentialistes de la Ve République. En choisissant des gens qui n’étaient pas complètement prêts à exercer leurs responsabilités, on a donné plus de pouvoir à l’exécutif. Les institutions, la constitution, l’engagement en politique sont des enjeux centraux pour la transformation de la démocratie. Celle-ci demande à être pensée et organisée, elle n’advient pas comme ça.
À rebours de l’accession rapide d’Emmanuel Macron à la tête de l’État, faut-il alors nécessairement emprunter un parcours classique pour faire de la politique et la changer ?
Parmi les novices, certains ont connu un accélérateur de carrière, ont profité de l’appel d’air créé par Macron. Mais ils étaient du milieu, ils étaient déjà dans des « files d’attente ». Cette notion de « file d’attente » existe en politique, mais aussi dans la vie. Bien qu’elles soient souvent invisibles, ces files structurent nos vies, influencent la manière dont nous évoluons et dont nous pensons. Elles sélectionnent, trient, excluent les profils, politiques ou non. Elles socialisent, forment et conforment les attentes de chacun. Et puis elles poussent à l’individualisme, lorsqu’il s’agit de saisir sa chance et de passer devant les autres. On retrouve cela dans le journalisme, à l’université ou sur Parcoursup.
« La Boîte à idées », le 31 janvier à 19 h 30 au mk2 Bibliothèque, gratuit
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Les Candidats. Novices et professionnels en politique d’Étienne Ollion (PUF, 304 p., 22 €)