Délaissant l’alter ego exhibo et les confessions brutales de ses stand-up récompensés par deux Molière (Je parle toute seule et Bonne nuit Blanche), Blanche Gardin s’invente un double inédit, toujours humoriste, mais souffrant d’atroces troubles digestifs qui la conduisent à consulter un naturopathe. Lequel affirme que ses maux sont liés à l’autodérision dont elle use et abuse chaque soir. Un trop-plein de négativité qui s’accumulerait sous forme de toxines dans son intestin, notre fameux « deuxième cerveau ». Blanche décide donc d’arrêter l’humour et se tourne vers le développement personnel, dans une quête du bien-être radicale, pour se soigner et devenir une « bonne » personne.
À la recherche de son véritable moi, elle teste donc l’éventail du self-care à disposition des riches Occidentaux désœuvrés : médecines alternatives, bains de forêt, chirurgie spirituelle… Et se laisse convaincre par des pseudosciences aussi coûteuses que fantaisistes. Une chasse à l’âme désespérée qui fait la part belle à l’impro et est ponctuée de punchlines culte – « J’ai raté une méditation collective pour le cancer de l’utérus », ou bien « On doit se sentir seule quand on est une femelle pin parasol ». Guide spirituelle autoproclamée, Blanche se rêve en Bouddha éclairé, féministe et inclusive, mais se cogne à son propre ego, exacerbé par les réseaux sociaux et l’équipe qui la filme jour et nuit, façon documentaire.
La Meilleure Version de moi-même raille un narcissisme contemporain qui se noie dans son propre reflet sur Instagram, sur Zoom ou dans les yeux de celles et ceux qui cherchent désespérément une bonne manière de vivre, d’être ou de dire. Le fond rejoint la forme dans une mise en abyme vertigineuse puisque, consciente d’être filmée, Blanche cherche davantage à montrer la meilleure version d’elle-même qu’à l’atteindre réellement.
Cruelle et pleine de contradictions, plus grinçante que jamais, l’humoriste tacle le politiquement correct, la pureté militante, les gourous en tous genres et, dans deux épisodes jubilatoires, le féminin sacré, nouvel avatar d’un féminisme capitaliste qui propose de se reconnecter à sa déesse intérieure contre un Smic ou deux. Une incursion jouissive et ultra réaliste dans l’autofiction, genre regrettablement négligé en France depuis la série Platane, dont on espère qu’elle fera des petits. En toute bienveillance, bien sûr.
le 6 décembre sur Canal+
Image (c) © Mamma Roman – White Spirit