EDITO – « Je vais tout te raconter… » Chez Pedro Almodóvar, les intrigues avancent de confidences en révélations, dans des scènes de libération de la parole bouleversantes : un verre, une clope, la caméra se rapproche jusqu’au gros plan frontal et, dans l’alcôve créée par le cadre, les secrets de famille sont dévoilés, les drames exhumés, les trahisons avouées. Il faut que ça sorte. Cet art de la maïeutique se déploie dans son nouveau film, Madres paralelas, où deux accouchements simultanés lient les destins de deux mères, une ado triste (Milena Smit) et une quadra rayonnante (Penélope Cruz).
« Madres Paralelas », le flamboyant mélo de Pedro Almodóvar avec Penelope Cruz
Cette dernière, lancée dans une quête de vérité à propos de son arrière-grand-père, fusillé du franquisme, est par ailleurs photographe, ce qui occasionne plusieurs scènes magnifiques : cet homme, ce bébé qu’elle scrute à travers l’objectif, qui sont-il vraiment ? Et Pedro Almodóvar de rappeler le fascinant pouvoir de « révélation du réel » du cinéma et de la photographie, décrit par André Bazin dans Qu’est-ce que le cinéma ? (1958) : nous permettre d’« admirer dans sa reproduction l’original que nos yeux n’auraient pas su aimer ».
Mostra de Venise 2020 : « La Voix humaine » de Pedro Almodóvar
Mais qu’est-ce que le cinéaste pouvait nous révéler de plus sur la maternité ? En vingt-deux films, il a filmé des mères libres, des mères secrètes, des mères mortes et des mères endeuillées, des mères célibataires, des mères actrices, des mères putes, des mères qui couvent et d’autres qui disparaissent, des mères qui accouchent et des mères de substitution. Bourges, hippies, drôles, en larmes, jeunes, vieilles, elles sont toutes là, rassemblées, plus puissantes que jamais, dans Madres paralelas. Pour nous parler de ce film-somme, le cinéaste s’est mis à table, dans son bureau madrilène. C’est page 18 : il va tout vous raconter. · JULIETTE REITZER
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