À bonne distance des relations archétypales et fleur bleue que son canevas laissait craindre, Aristocrats n’hésite pas à prendre de jolis détours narratifs au fil d’un scénario bien tenu, déployé sur plusieurs années, dans divers quartiers de Tokyo. En ces lieux quadrillés, cossus, modestes, où les privilèges de l’argent et de classe déterminent l’essentiel des rencontres, chacun reste un peu prisonnier de son monde, aussi confortable soit-il. C’est du moins la vision, limpide, que propose Yukiko Sode de la société japonaise moderne, encore vitrifiée par plusieurs codes et conventions élitistes.
Quand Hanako, célibataire à l’orée de la trentaine, issue d’une famille aisée qui la met sous pression pour trouver un mari, enchaîne par exemple les rendez-vous arrangés avec un fils de médecin (hyper gênant), c’est toute cette farce du marché des sentiments qui explose. Après son mariage improbable, faute de mieux, avec un homme encore plus argenté, secrètement lié à une ancienne étudiante devenue hôtesse de bar, la situation devient plus complexe, les cloisons du réel se fissurent… Beau récit de solidarité féminine, dont les énergies plurielles rappellent la délicate fresque Senses de Ryūsuke Hamaguchi, cette mosaïque de destins se dévoile pas à pas.
Asako I&II de Ryūsuke Hamaguchi : un cœur balance
Aristocrats de Yukiko Sode, Art House (2 h 05), sortie le 30 mars.
Images: © Art House